3, 4 et 5 mai 2024
Les commémorations du 79e anniversaire de la libération du camp de Dachau se sont tenues du 3 au 5 mai 2024 et ont permis de réunir, autour des autorités, des membres du CID et de la Fondation des mémoriaux bavarois, un public très nombreux.
Vendredi 3 mai :
Le premier hommage aux victimes a débuté par les cérémonies au cimetière du Leitenberg. Situé sur une colline, il abrite huit fosses communes qui furent creusées à partir du 28 février 1945, lorsqu’il n’y avait plus de charbon pour brûler au crématoire du camp les corps des milliers de prisonniers morts d’épuisement et de maladies contagieuses, notamment du typhus.
Jusqu’à la libération du camp, le 29 avril 1945, 4316 déportés ont été enfouis dans ces fosses. Deux nouvelles fosses communes ont été creusées par la population allemande. 1879 détenus, ainsi que des soldats de la Wehrmacht ayant péri lors des combats à proximité de Dachau, y ont été inhumés jusqu’au 18 mai 1945. Au total, 7609 morts reposent dans ces fosses.
Le second hommage aux victimes fut rendu au cimetière du Waldfriedhof. Dans ce cimetière ont été enterrés les anciens détenus du camp de Dachau décédés après la libération, notamment de l’épidémie de typhus. En mai 1945, il y eut encore plus de 2200 décès. C’est également là que reposent des déportés juifs qui n’ont pas survécu à la marche de la mort de fin avril 1945 évacuant les déportés du camp de concentration de Flossenbürg à Dachau. Il y a 1700 victimes tombées.
Samedi 4 mai :
La matinée du 4 mai était consacrée à l’Assemblée Générale du CID, qui réunissait ses 30 délégations nationales, dans la salle de conférence de l’Hôtel Plaza Inn de Dachau.
L’après-midi a débuté par un dépôt de gerbe au Monument du Déporté Inconnu. Le 29 mai 1955, à l’occasion du dixième anniversaire de la libération, eut lieu une rencontre internationale de rescapés, qui décidèrent de transformer l’ancien camp en un lieu de mémoire et jurèrent de garder vivant le souvenir des martyrs de la barbarie nazie. Décision fut prise d’élever un monument à la mémoire des disparus.
Les membres du CID ont rejoint ensuite la cérémonie « Chemin de la paix », organisée par la Lagergemeinschaft sur l’ancien champ de tir SS de Hebertshausen. Entre 1941 et 1942, plus de 4000 prisonniers de guerre soviétiques ont été brutalement assassinés par les SS sur ce champ de tir.
L’après-midi s’est achevée par la cérémonie en mémoire des Marches de la Mort, comprenant de nombreuses interventions et un accompagnement musical très émouvant.
Dimanche 5 mai :
Le dimanche 5 mai a cédé la place aux commémorations officielles. Après les différentes célébrations de culte du début de matinée, tous les participants se sont retrouvés pour les cérémonies au Krematorium. Après les interventions de M. Florian Hartmann, maire de Dachau, et de M. Abba Naor, vice-président du CID, suivies du dépôt de gerbe, le cortège s’est formé en direction de l’Appelplatz, précédé par les drapeaux des nations et le Livre des Morts, porté par Joëlle Delpech-Boursier, le tout sous la bonne conduite de Serge et Sandra Quentin.
Après les interventions des officiels, dont celle du président du CID Dominique Boueilh (voir ci-après), le traditionnel dépôt des gerbes s’est déroulé avec beaucoup de solennité et sous accompagnement musical. Ce dernier invitant l’assemblée, à la fin de la cérémonie, à entonner avec succès le Chant des marais.
Les participants se sont ensuite retrouvés au Centre d’études Max Mannheimer pour partager le déjeuner de l’amitié.
Discours de Dominique Boueilh, président du CID
Les années 2024 et 2025 sont synonymes pour nous, acteurs de la mémoire, de temps forts. Le 6 juin prochain, nous célébrerons, sur les plages de Normandie, le 80e anniversaire du débarquement des Alliés, lequel ouvrait les portes de la libération de l’Europe du joug de l’envahisseur nazi. Le 29 avril 2025, nous célébrerons le 80e anniversaire de la libération du camp de Dachau par l’armée américaine.
Plus que jamais, nous devons rendre hommage à ces milliers de jeunes soldats venus d’un autre continent pour défendre nos libertés. Ils ont péri par milliers sous le feu de l’ennemi.
La célébration du 70e anniversaire du débarquement des Alliés en Normandie, à laquelle j’ai eu le privilège de participer le 6 juin 2014, rassemblait tous les chefs d’état sans exception. Elle donnait l’image d’un front uni dans le souvenir des victimes de la Seconde Guerre mondiale, et dans la recherche d’un monde de paix, malgré tout sur fond d’occupation russe de la république autonome de Crimée, toute récente depuis le 27 février 2014.
Le 6 juin prochain, à l’occasion du 80e anniversaire du débarquement, ce front uni pourrait apparaître fissuré, tout comme un édifice dont on n’aurait pas assuré le bon entretien, dont les fondations n’auraient pas été creusées avec suffisamment de profondeur et fléchiraient sous les intempéries qui les secouent.
L’équilibre instauré après le conflit 1940-1945, l’avènement de la chute du mur de Berlin en 1989, ont ouvert le monde à un nouvel espace de paix et de liberté, dont il faut constater qu’il demeure fragile. La concurrence des grands blocs géopolitiques, toujours omniprésente, conditionne malgré tout l’évolution des politiques économiques et sociales des peuples, et parfois de leur liberté.
L’invasion de l’Ukraine le 24 février 2022, l’attaque du Hamas contre l’État d’Israël le 7 octobre 2023, la persistance de conflits dans diverses régions du monde, plus ou moins connus et communiqués, le regain des actes racistes et antisémites dans nos sociétés, la menace de l’obscurantisme, la montée des politiques d’extrême droite à l’approche des élections européennes, sont autant d’indicateurs qui nous appellent à une vigilance extrême.
Le dernier danger, et non des moindres, étant les attaques menées contre la culture de la Mémoire, par certaines coalitions au sein même de notre Europe. Attaques qui voudraient remettre en cause l’utilité de notre action et réduire les moyens mis à notre disposition.
Les derniers survivants de la déportation, comme Abba Naor ou Jean Lafaurie ici présents, et bien d’autres, n’ont de cesse de témoigner auprès des jeunes, au prix d’un effort démesuré lié à leur grand âge, mais guidés par une motivation sans pareil. Rien n’est plus alarmant que d’entendre de leur propre voix cette inquiétude d’un monde à nouveau menaçant et oubliant les leçons du passé.
Évitons que la disparition des derniers survivants ne laisse la place aux seuls influenceurs et manipulateurs d’opinions que nous connaissons. C’est à juste titre que les différents Mémoriaux et Comités Internationaux de camp se penchent sur la nécessaire transformation de notre politique mémorielle. Comment impliquer davantage les descendants, les témoins de témoins. Comment atteindre et sensibiliser davantage le public. Comment s’inscrire davantage dans le champ politique, dès lors que nos valeurs sont menacées.
Les valeurs que j’adresse sont issues des serments des anciens déportés des divers camps. Permettez-moi de rappeler ici les extraits les plus significatifs de certains d’entre eux :
Buchenwald : « Notre cause est juste, la victoire sera nôtre. Notre idéal est la construction d’un monde nouveau dans la paix et la liberté. »
Mauthausen : « La paix et la liberté sont la garantie du bonheur des peuples. L’édification du monde sur de nouvelles bases de justice sociale et nationale est le seul chemin pour la collaboration pacifique des États et des peuples. »
Dachau : « Nous jurons, pour rester fidèles à l’union et à la camaraderie nées dans la souffrance et dans le combat, de nous consacrer au rapprochement des peuples dans la paix, en vue d’assurer leur sécurité, leur indépendance et leur liberté. »
Ravensbrück (le camp des femmes, que j’ai gardé volontairement pour la fin) : « Nous formulons le vœu que nos enfants veuillent considérer l’existence libre des êtres humains comme valeur suprême, que le droit à la vie, le droit à la dignité personnelle et le droit à la liberté ne puissent jamais être violés. Dans la coexistence des peuples, l’égalité sociale et la justice doivent remplacer toutes les aspirations à la domination. »
Tous ces serments, auxquels nous devons rester fidèles, nous appellent à rester mobilisés contre la résurgence des idéologies de haine et d’exclusion. Plus que jamais, notre combat demeure celui de la liberté, de la démocratie et de la paix.