Journée du 1er juillet
Matinée : Le groupe de participants a visité le Mémorial de l’internement et de la déportation du camp de Royallieu sous la conduite de son directeur, Aurélien Gnat.

Après-midi : Le contexte et les journées qui ont précédé la constitution et le départ du convoi 7909 ont été relatés au travers d’une table ronde, « Convoi 7909, les prémices d’un drame », organisée le lundi 1er juillet après-midi dans la salle de conférence du Mémorial du camp de Royallieu, en étroite collaboration avec le Mémorial de Compiègne et en présence d’historiens. Vous en trouverez le compte rendu détaillé ici.



Remarque : Le Mémorial de Compiègne a tout récemment retrouvé, de façon inattendue et fortuite, une liste nominative originale allemande dactylographiée du convoi 7909, composée de 147 feuillets, et utilisée pour la mise en place de ce convoi par le commandement allemand du camp. Oubliée parmi les archives de la délégation de la Croix-Rouge de Compiègne et conservée dans le grenier de cette institution depuis près de 80 ans, cette liste constitue désormais une archive exceptionnelle.
Le document a été présenté en partie lors de la conférence. Il permettra de compléter l’analyse détaillée du nombre réel de victimes dans ce convoi. À la demande de notre association, une copie de ce document a été mise à la disposition du Mémorial du camp de Dachau afin que ces nouvelles informations puissent être recoupées avec les informations d’archives relatives à l’arrivée du convoi à Dachau.

Journée du 2 juillet
La journée du 2 juillet 1944 fut pour le convoi 7909 la plus meurtrière, avec près de 400 victimes ce seul premier jour. La journée du 2 juillet 2024, 80 ans après, s’est donc révélée la plus intense d’un point de vue commémoratif, avec successivement :
- 8h00 – Compiègne : La marche à pied depuis le Mémorial de l’internement et de la déportation du camp de Compiègne jusqu’à la gare de Compiègne
- 9h30 – Gare de Compiègne : Cérémonie au Mémorial du Wagon de la Déportation
- 11h30 – Vic-sur-Aisne : Cérémonie sur les vestiges du tronçon de voie ferroviaire
- 15h00 – Fismes : Cérémonie à la gare
- 17h00 – Saint-Brice : Cérémonie officielle au Jardin de la Mémoire
- 18h00 – Saint-Brice : Cérémonie au passage à niveau Saint-Charles
8h00 – Compiègne : La marche à pied depuis le Mémorial de l’internement et de la déportation du camp de Compiègne jusqu’à la gare de Compiègne

Le groupe de participants – accompagné par les drapeaux d’associations et par un groupe de 50 élèves du Centre EPIDE de Margny-lès-Compiègne, et en présence de M. Joël Dupuy de Méry, maire adjoint et délégué à la vie patriotique pour la ville de Compiègne – s’est retrouvé très tôt dans la matinée pour former un cortège à destination de la gare de Compiègne.
Le cortège a suivi à pied le chemin de mémoire de 3 km établi par la ville de Compiègne, qui fut suivi 80 ans plus tôt par les 2152 hommes du convoi 7909 : « Le 2 juillet, à 5h00 du matin, les partants sont rassemblés. Ils rejoignent plus tard la gare de Compiègne à pied tandis que les bagages sont transportés en charrette jusqu’à la gare. Tous les résidents du trajet emprunté ont été avertis et priés de laisser leurs volets fermés. »
Le cortège a pu marquer un temps d’arrêt à chaque station illustrée sur le chemin de mémoire, guidé par les explications de M. Dupuy de Méry et à l’écoute de lectures des témoignages de survivants.
9h30 – Gare de Compiègne : Cérémonie au Mémorial du Wagon de la Déportation

Le cortège s’est recueilli au Mémorial du Wagon de la Déportation après les allocutions et dépôts de gerbes, suivis de lectures de textes.
Les conditions terribles de départ étaient rappelées : « 7h30, les détenus sont poussés dans les 22 wagons à bestiaux sans ménagement, à raison de 100 par véhicule. Le wagon de tête est métallique et, étrangement, 9 wagons supplémentaires demeurent vides en queue de train. À 9h15, le 7909 s’ébranle. À son bord, la peur et l’effroi s’installent dès les premières minutes. »
Pour rappeler les conditions inhumaines de transport, l’ensemble des participants était invité à se rassembler à l’intérieur d’un marquage au sol dont les dimensions étaient identiques à celles des wagons du convoi 7909. On pouvait ainsi mesurer la densité et la promiscuité des détenus à l’intérieur des wagons.
11h30 – Vic-sur-Aisne : Cérémonie sur les vestiges du tronçon de voie ferroviaire

La cérémonie de Vic-sur-Aisne présentait deux symboles très particuliers :
- Tout d’abord, la ville de Vic-sur-Aisne a pu sauvegarder un tronçon de l’ancienne voie ferroviaire (quelques dizaines de mètres) qui voyait passer les convois à destination de l’Allemagne, dont le convoi 7909. La ville a ainsi pu aménager un espace mémoire et, sur proposition de son maire M. Bernard Ruelle, a érigé une stèle sur laquelle nous avons pu dévoiler une plaque commémorative. À noter que la stèle et tous les travaux qui s’y rattachaient ont été effectués par des chantiers de réinsertion de jeunes.
- La gare de Vic-sur-Aisne étant la première gare après celle de Compiègne, il était fréquent que les détenus laissent échapper par les lucarnes des wagons des messages au passage de chaque convoi : « Ainsi, lorsque le convoi 7909 traversa Vic-sur-Aisne à 9h50 le 2 juillet 1944, après avoir emprunté le passage à niveau de Pernant quelques minutes auparavant, des dizaines de morceaux de papier battaient des ailes dans l’air déjà chaud du matin. Ce sont les messages que les détenus arrivaient à glisser par les lucarnes ou par les interstices des planches qui joignaient mal. Certains avaient pu être écrits alors que les détenus étaient encore dans le camp d’internement de Compiègne, d’autres étaient écrits à la hâte dans les wagons sur un bout de papier et avec les crayons qui avaient échappé aux fouilles. Ils étaient destinés à donner des nouvelles aux familles ou amis. Les civils ne se précipitaient pas tout de suite pour ramasser les messages, de crainte que les gardiens du convoi ne tirent sur eux. Ce jour-là, la garde-barrière et un adjudant de gendarmerie ramassèrent 86 lettres et un paquet. Les gendarmes de la brigade expédièrent, dans l’après-midi, de différents bureaux de poste, lettres et paquet. »
Les cérémonies de Vic-sur-Aisne ont accueilli un public très nombreux, malgré une pluie menaçante et intermittente. Le dévoilement de la plaque souvenir était fait en présence de M. Bernard Ruelle, maire de Vic-sur-Aisne, et de M. Dominique Boueilh, président de l’Amicale du camp de concentration de Dachau. Après allocutions et lectures de textes de témoignages, des enfants des écoles de Vic-sur-Aisne, Montigny-Lengrain et Ressons-le-Long ont interprété une Marseillaise très émouvante et ont procédé à un lâcher de 86 ballons qui avaient pour vocation de rappeler les 86 messages abandonnés par les détenus du convoi 7909. Au bout de chaque ballon, les enfants avaient pris soin d’écrire un message de paix.
Les participants ont pu ensuite partager un moment convivial au travers d’une réception organisée sur place par la ville de Vic-sur-Aisne.



15h00 – Fismes : Cérémonie à la gare
Le groupe de participants était accueilli par M. Charles Gossard, maire de Fismes, et Mme Christelle Delplanque, directrice de la Communication et des Affaires Publiques SNCF Gares et Connexions auprès de la direction régionale des gares Grand-Est, accompagnée de M. Olivier Cany, directeur des gares en Champagne-Ardenne, avec la présence des représentants d’associations de mémoire et de leurs porte-drapeaux. La cérémonie s’est déroulée à l’intérieur du hall de la gare de Fismes, avec le dévoilement d’une plaque suivi du déroulé officiel, clôturé par une Marseillaise entonnée par tous les participants.
L’étape du convoi 7909 à Fismes est également très symbolique car elle enregistre les premiers décès à l’intérieur des wagons déjà en surchauffe : « Il est 10h50 lorsque le convoi 7909 marque un arrêt à Fismes. La chaleur dans les wagons devient insupportable, l’air très vite vicié est irrespirable. Les premières bagarres interviennent, en particulier dans le wagon métallique, où la tension est à son maximum. Les bagarres et la mêlée sont telles que les premiers décès surviennent. Le chef de gare autorise bien les gendarmes à donner de l’eau par les lucarnes, mais l’officier du convoi ordonne le départ du train aussitôt, sans qu’aucun ravitaillement ne puisse être effectué. »



17h00 – Saint-Brice-Courcelles : Cérémonie officielle au Jardin de la Mémoire
La cérémonie qui a suivi était une cérémonie officielle organisée par la ville de Saint-Brice-Courcelles et à laquelle devait participer initialement Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État chargée des Anciens combattants et de la Mémoire. Des contraintes d’agenda du Ministère ont malheureusement empêché sa participation. Notre groupe a été accueilli fort chaleureusement par Mme Évelyne Quentin, maire de Saint-Brice-Courcelles, et par M. Philippe Malnuit, conseiller délégué à la Défense de la commune.
Une foule très nombreuse participait à cette cérémonie, qui s’est déroulée sous la pluie. Étaient présents les officiels, dont M. Henri Prévost, préfet de la Marne, la majorité des associations de mémoire et leurs porte-drapeaux, une chorale d’enfants, une harmonie de musique et un détachement militaire. La cérémonie se déroulait au « Jardin de la Mémoire ». Cet espace du souvenir, dédié au Train de la Mort, a été spécialement aménagé sur un terrain à proximité des voies ferrées où le drame du convoi 7909 s’est produit, et a été inauguré le 11 novembre 2015. Il porte une sculpture, œuvre de Patricia Molins, intitulée « Nous ».
L’étape du convoi 7909 à Saint-Brice-Courcelles symbolise les instants les plus tragiques et meurtriers rencontrés par les passagers du Train de la Mort. « Entre Fismes et Reims, entre panne de locomotive et sabotage des voies, le convoi sera bloqué à plusieurs reprises, par une température extérieure de 34 degrés. Arrivés à hauteur de Saint-Brice, les déportés réclament de l’eau. Certains boivent leurs urines, mais cela ne fait qu’aggraver la situation. À partir de ce moment, les hommes vont commencer à tomber en masse. Des habitants du village, qui travaillent alors à proximité de la gare, tentent de s’approcher, mais ils sont repoussés par les sentinelles allemandes. La chaleur continue de monter du fait que le train roule lentement et que les lucarnes aux coins des wagons sont fermées par d’épaisses planches, l’air ne circule pas. On étouffe, certains veulent boire, d’autres veulent qu’on ménage l’eau, il semble qu’on va très vite se disputer. Puis voilà qu’avant d’arriver à Reims le train s’arrête, la voie avait été sabotée à Saint-Brice, et ce fut là que le grand drame s’aggrava, de douze à quatorze heures par une chaleur de plus de trente degrés. Puis le convoi redémarra jusqu’à Reims, où la locomotive dérailla au passage d’un aiguillage. Ce nouveau stationnement prolongé détériora davantage le climat qu’il n’était déjà pas possible de supporter. Cette seule première journée fit 400 victimes. »

Dans un second temps, le cortège se déplaça vers le passage à niveau Saint-Charles pour un second dépôt de gerbe, au pied de la plaque disposée en mémoire du convoi 7909.

Les participants ont ensuite rejoint en cortège la salle municipale pour une réception organisée par la mairie. Plus tard dans la soirée, une représentation théâtrale intitulée « Le Convoi » a été proposée.

Journée du 3 juillet
Aux côtés du triste bilan des victimes de la veille, la journée du 3 juillet 1944 fut pour le convoi 7909 la nouvelle preuve de la cruauté des gardiens allemands, avec en particulier l’exécution de victimes effondrées, mais encore vivantes.
La journée du 3 juillet 2024, 80 ans après, s’est déroulée sur les trois étapes suivantes :
- 9h00 – Reims : Cérémonie sur le parvis de la gare et dévoilement d’une plaque souvenir
- 11h00 – Revigny-sur-Ornain : Cérémonie sur le parvis de la gare et dévoilement d’une plaque souvenir
- 17h00 – Novéant-sur-Moselle : Cérémonie à l’Espace Souvenir de Novéant – Dévoilement d’une plaque souvenir. / 21h30 : Concert nocturne et lectures de textes sous la halle de l’Espace Souvenir / 23h00 : Lâcher de bougies sur le canal en mémoire des victimes du convoi
9h00 – Reims : Cérémonie sur le parvis de la gare et dévoilement d’une plaque souvenir
Le groupe s’est retrouvé dès 9h sur le parvis de la gare de Reims et était accueilli par M. Oudin, adjoint au maire de Reims, Mme Chantal Ravier, présidente de l’AFMD Marne, M. Félix Beaulieu, président de l’ANCAC Reims, M. Hervé Chatriot, directeur adjoint des gares Champagne-Ardenne, Mme Christelle Delplanque, directrice de la Communication et des Affaires Publiques SNCF Gares et Connexions auprès de la direction régionale des gares Grand-Est. Étaient présents M. Benoît Lemaire, sous-préfet de Reims, et les représentants de nombreuses associations avec leurs porte-drapeaux.
L’objectif de cette étape était de rappeler les conditions inhumaines imposées aux passagers du convoi 7909 au niveau de la gare de Reims, le 2 juillet 1944 : « Le train stationna en gare de Reims de 14h35 à 15h10, puis de 15h50 à 20h03, laissant les détenus à l’abandon dans des wagons qui s’étaient transformés en fours. Dans huit des 22 wagons, des chefs s’imposent pour faire régner ordre et discipline pour le bien de tous, en rationnant le peu d’eau disponible, et en instituant des tours de rôle pour respirer auprès des deux seules lucarnes ouvertes par wagon. D’autres wagons cèdent à la panique totale. Des vagues entières de détenus meurent de soif et d’asphyxie, ou plus brutalement sous l’emprise d’une folie meurtrière et sous la violence des coups occasionnés par les bagarres pour la survie. »

Une plaque mémoire était dévoilée et, après le protocole de cérémonie, les participants ont entonné le Chant des Marais.

11h00 – Revigny-sur-Ornain : Cérémonie sur le parvis de la gare et dévoilement d’une plaque souvenir

Une pluie battante devait accueillir l’arrivée du groupe à Revigny-sur-Ornain, laquelle s’est fort heureusement interrompue le temps de la cérémonie. Autour de M. Pierre Burgain, maire de Revigny, de M. Alain Fisnot, adjoint au maire en charge du mémoriel, et de M. Christophe Chartrain, directeur régional des gares de Grand-Est, une foule très nombreuse attendait notre délégation malgré une météo défavorable. Une plaque commémorative a été dévoilée par la municipalité et la SNCF, offerte par l’Amicale du camp de concentration de Dachau et des descendants des déportés. Les nombreux enfants des écoles Pergaud-Pagnol et Maginot-Poincaré ont chanté La Marseillaise, accompagnés par l’Orchestre d’Harmonie de Revigny. Pour clôturer la cérémonie, M. Alain Fisnot a interprété à l’harmonica le Chant des Marais, de façon magistrale et très émouvante.


Un hommage vibrant était ainsi rendu aux victimes du convoi 7909, qui subirent une nouvelle épreuve inhumaine lors de l’arrêt à Revigny, le 3 juillet 1944 : « Dans la nuit du 2 au 3 juillet qui avait précédé, une pluie fine avait fait descendre la température de quelques degrés dans les wagons. Les détenus essayaient de récupérer par les maigres ouvertures l’eau qui coulait du toit des wagons, mais celle-ci était viciée par la poussière de charbon. La vitesse modérée du convoi procurait néanmoins un peu d’air à travers les interstices des parois. Deux tentatives d’évasion se préparèrent dans la nuit, sans succès. Dans les wagons, les morts furent entassés par les survivants pour fournir davantage d’espace libre. Certains wagons en firent le triste décompte : 97 pour le wagon métallique, jusqu’à 75 dans d’autres wagons. Le 3 juillet au matin, le convoi 7909 entra en gare de Revigny. La pluie tombait à torrents. Les prisonniers survivants et totalement hébétés furent autorisés à descendre et se rafraîchirent sous la pluie. Ils buvaient l’eau boueuse des fossés. Les cadavres, au moins 400, furent rassemblés dans les wagons libérés à cet effet, les cadavres encore en vie furent achevés d’une balle dans la tête par les gardiens, devant témoins. Un wagon de soins très succincts fut installé en tête de convoi. Les passagers du wagon ayant tenté l’évasion furent mis à l’écart dans une gravière pour identification des responsables. Ceux-ci ne furent pas exécutés, mais les passagers respectifs remontèrent dans le wagon métallique en guise de punition. À 15h05, le 7909 quitta Revigny avec ses wagons corbillards. Les scènes de violence se poursuivirent et le calme ne revint qu’en soirée ».

À l’issue de la cérémonie, notre délégation était reçue à la mairie de Revigny pour un apéritif déjeunatoire, après quoi nous avons pu visiter le musée souvenir de la ville sous la conduite d’Alain Fisnot, conservateur fidèle et passionné de l’histoire de la ville et de sa région.

17h00 – Novéant-sur-Moselle : Cérémonie à l’Espace Souvenir de Novéant – Dévoilement d’une plaque souvenir

Le rassemblement de Novéant devait permettre de franchir une nouvelle étape dans l’hommage rendu au convoi 7909 et de retracer le second moment de la tragédie du 3 juillet 1944. La pré-visite menée en avril avait permis de découvrir les lieux. La gare de Novéant n’étant plus en service et l’ancienne gare de marchandises n’existant plus, notre attention s’est portée sur l’Espace Souvenir que la ville de Novéant avait déjà aménagé en mémoire des convois, dans la zone située entre la gare et le canal latéral de la Moselle.

Une foule très nombreuse, sous la conduite de M. Philippe Renauld, maire de Novéant-sur-Moselle, accueillit la délégation de l’Amicale de Dachau sous une météo clémente. Après l’accueil et les allocutions prononcées sous la halle de l’espace mémoire, en présence de M. Jean-Marc Todeschini, ancien secrétaire d’État chargé des Anciens combattants et de la Mémoire, les participants ont rejoint l’espace mémoire sur lequel la ville de Novéant avait disposé une nouvelle stèle en granit pour accueillir la plaque hommage qui devait être dévoilée. Un groupe d’enfants entonna une très belle Marseillaise, suivie du Chant des Marais interprété par tout le public.
L’hommage ainsi rendu aux victimes du convoi 7909 rappela les circonstances de cet arrêt en gare de marchandises de Novéant, le soir du 3 juillet 1944 : « Le convoi arriva en gare de marchandises de Novéant le 3 juillet 1944 au soir, à 21h50, où il stationna toute la nuit. Une odeur de putréfaction accompagnait le convoi, comme purent en témoigner les riverains et le personnel de la gare de l’époque. Au poste de frontière qu’est Novéant, le convoi passe sous la conduite d’un nouvel officier et de ses soixante hommes. Les wagons sont passés en revue sans ménagement pour recenser les survivants. Les chiffres recensés par les détenus eux-mêmes sont confirmés, voire aggravés. De la chaux et des couvertures sont jetées sur les tas de cadavres. Au matin du 4 juillet, à 7h15, le convoi quitte Novéant à destination de Strasbourg. De nouveau, de la chaux est étendue sur l’emplacement du stationnement du convoi pour faire disparaître l’odeur laissée par les wagons, d’où s’écoulait un liquide nauséabond ».


La soirée et l’hommage de ce 3 juillet se poursuivaient par un concert très émouvant donné en nocturne sous la halle de l’espace mémoire par l’Harmonie Municipale Union de Corny-sur-Moselle.
Pour finir, un ultime hommage était donné en pleine nuit, avec le départ d’une maquette de train sur le canal latéral de la Moselle, portant plus de 400 bougies en mémoire des victimes du convoi 7909 recensées le soir du 3 juillet 1944.



Journée du 4 juillet
Après les deux premières journées meurtrières, le 4 juillet 1944 fut pour le convoi 7909 la journée de conditions climatiques plus clémentes, avec l’opportunité de l’unique ravitaillement opéré par la Croix-Rouge en gare de Sarrebourg ; et pour finir, en soirée, la traversée du Rhin par le convoi, anéantissant les derniers espoirs de libération.
La journée du 4 juillet 2024, 80 ans après, s’est déroulée sur les deux étapes suivantes :
- 11h00 – 12h00 : Cérémonie sur le parvis de la gare de Sarrebourg
- 15h00 – 16h00 : Cérémonie sur l’ancien quai de la gare de marchandises
La municipalité de Sarrebourg s’était fortement mobilisée pour l’organisation de cet événement, qui au demeurant est célébré chaque année. Le 80e anniversaire lui a conféré toutefois une dimension très particulière, après la tenue d’une réunion préparatoire en mars 2024, en présence de tous les acteurs de la ville, des associations et de l’Amicale du camp de concentration de Dachau.

Une foule très nombreuse était réunie le 4 juillet au matin sur le parvis de la gare de Sarrebourg, en présence de M. Alain Marty, maire de Sarrebourg, de Laurent Touvet, préfet de la Moselle, de nombreux élus et représentants d’associations patriotiques. Après le dépôt de gerbe à l’intérieur de la gare, au pied de la plaque mémoire déjà existante, les officiels ont prononcé des discours rappelant la journée du 4 juillet 1944. Une harmonie et un chœur de voix délivrèrent une prestation musicale d’une extrême qualité. Un hommage particulier fut rendu à la Croix-Rouge de Sarrebourg, en mémoire du ravitaillement salutaire opéré par leurs soins le 4 juillet 1944, malgré des gardiens allemands toujours opposés à toute forme de secours.
Le récit de l’arrêt à Sarrebourg permit ainsi de relater les faits suivants : « À 11h56, le 7909 s’immobilise entre un train de charbon et les baraquements du quai militaire. Dans un premier temps, l’autorisation de ravitailler n’est pas donnée. Les convoyeurs du 7909 veulent continuer dès le changement de locomotive, sans aucune attention envers les détenus dans les wagons qui stationnent sous une chaleur accablante. Une dispute intervient alors entre le capitaine Franz Mulher et le capitaine Friedrich Dietrich, en charge du 7909 depuis Novéant. Aidé par l’intervention du médecin chef de l’hôpital de Sarrebourg, le capitaine Mulher obtiendra gain de cause et pourra faire procéder au ravitaillement du wagon par les infirmières de la Croix-Rouge. À 15h18, après que le ravitaillement a été interrompu et que tout le monde a été chassé du quai, le convoi 7909 s’élance avec ses 481 victimes à bord. De la chaux est étendue à nouveau sur la voie ».


La cérémonie fut suivie d’une réception à la mairie de Sarrebourg, autour du maire, M. Alain Marty, et de son adjoint, Laurent Moors, chargé de l’organisation des manifestations et principal artisan de ce rassemblement.
15h00 – 16h00 : Cérémonie sur l’ancien quai de la gare de marchandises
Dans les faits, le convoi 7909 s’était arrêté à la gare de marchandises, quelques centaines de mètres en amont du bâtiment principal de la gare de Sarrebourg. Pour cette raison, un second hommage fut organisé dans l’après-midi sur l’emplacement de l’ancienne gare de marchandises, au niveau de la coulée verte qui borde les vestiges des anciens quais. Un arbre avait été planté pour la circonstance, et l’emplacement recevra une plaque commémorative l’année prochaine, ce qui fera l’objet d’une nouvelle commémoration en 2025. Le groupe forma un cercle autour de l’arbre pour déposer une gerbe et observer une minute de silence, avant d’entonner le Chant des Marais d’une seule voix.


Journée du 5 juillet
La journée du 5 juillet 1944 fut pour le convoi 7909 la dernière étape de cette tragique traversée qui devait conduire les survivants aux portes du camp de concentration de Dachau. La plupart d’entre eux n’avaient jamais entendu parler de ce camp, et chacun s’accordait à penser que le pire venait d’être vécu. Pourtant, parmi les 1630 rescapés du convoi, plus de 600 moururent ensuite en déportation.
La journée du 5 juillet 2024, 80 ans après, s’est déroulée sur les étapes suivantes :
- 8h30 : Départ du groupe pour Dachau depuis la gare de Strasbourg – Chant de La Marseillaise à la traversée du Rhin
- 13h30 : Arrivée à la gare de Dachau & Accueil par le Maire à la gare de Dachau
- 14h30 : Dévoilement d’une plaque sur le parvis de la gare de Dachau
- 15h00 : Départ d’une marche du souvenir, depuis la gare de Dachau jusqu’au Mémorial de Dachau (trajet 1h)
- 16h00 : Accueil du groupe au Mémorial de Dachau
- 16h15 : Cérémonie dans la Salle du Souvenir du Mémorial de Dachau – Dévoilement d’une plaque mémoire
- 17h00 : Dépôt de gerbe au crématorium
C’est avec une extrême émotion que le groupe s’est dirigé vers la gare de Strasbourg afin d’emprunter le train à destination de Dachau, via Stuttgart et Munich. Les trois premiers jours du circuit avaient fait appel à des transports par autobus, pour des raisons d’horaires et de logistique. Le matin du 5 juillet, le groupe s’apprêtait ainsi à suivre les traces du convoi 7909 au plus près de son histoire. À noter que les frais de transport aller et retour avaient été pris en charge gracieusement par la Deutsche Bahn.
Au passage du Rhin, le groupe, accompagné par tous les autres voyageurs du wagon, a entonné La Marseillaise, de la même manière que les survivants du convoi 7909 l’avaient fait dans la soirée du 4 juillet 1944, dans un grand élan de résistance.
13h30 : Arrivée à la gare de Dachau & Accueil par le Maire à la gare de Dachau


L’arrivée à la gare de Dachau constituait le second point fort de cette journée, pour laquelle nous avions pu recueillir de nombreux témoignages de survivants. Le groupe était accueilli par M. Florian Hartmann, maire de la ville de Dachau, Mme Gabriele Hammermann, directrice du Mémorial de Dachau, et M. Wolf, président du Souvenir Français en Bavière.

14h30 : Dévoilement d’une plaque sur le parvis de la gare de Dachau
En présence de M. Florian Hartmann, maire de la ville de Dachau, de Mme
Gabriele Hammermann, directrice du Mémorial de Dachau, accompagnée de ses équipes, et de M. Pierre Wolf, délégué général adjoint du Souvenir Français d’Allemagne pour la Bavière, le groupe procédait, sans aucun précédent, au dévoilement d’une plaque et à un dépôt de gerbe en mémoire des survivants du convoi 7909.
Après le mot d’accueil très chaleureux du maire de Dachau, qui saluait l’esprit de réconciliation et d’amitié de ce rassemblement, les différentes interventions qui suivirent permirent de rappeler les conditions d’arrivée difficiles du convoi 7909 en gare de Dachau, le 5 juillet 1944. En particulier, il fut rappelé que « le nombre de cadavres alignés sur le quai de débarquement était supérieur à 500, imprécis par méconnaissance de l’effectif exact au départ et du nombre de morts, non immatriculés, débarqués durant le voyage ».

15h00 : Départ d’une marche du souvenir, depuis la gare de Dachau jusqu’au Mémorial de Dachau (trajet 1h)
Inauguré en 2007, le « chemin de la mémoire » se compose de douze stations avec panneaux d’information. L’itinéraire mène de la gare de Dachau au centre d’accueil du Mémorial du camp de concentration. Les panneaux d’information jalonnent le chemin suivi par la majorité des détenus jusqu’au camp de concentration, à pied, en train ou en camion. Les multiples interdépendances entre la ville de Dachau et le camp de concentration sont thématisées, de même que les liens des habitants avec celui-ci. La gare servait de « point de transbordement » pour les convois de prisonniers. Les habitants de Dachau pouvaient assister au débarquement des déportés, certains déjà morts, qui étaient ensuite forcés de marcher jusqu’au camp par les SS, en pleine rue. De plus, à partir de 1941, la population locale voyait les déportés décharnés qui venaient en ville sous la garde des SS, afin d’effectuer du travail forcé dans les entreprises de Dachau. Le parcours à pied permet également de retrouver des traces historiques et des témoignages architecturaux. Le « chemin de la mémoire » s’achève sur les anciennes terres agricoles expérimentales des SS, surnommées « le jardin médicinal ».

16h00 : Accueil du groupe au Mémorial de Dachau
À l’issue de la marche, qui a pu se dérouler sous un ciel ensoleillé, le groupe s’est présenté au Mémorial de Dachau par l’ancienne entrée principale, où il fut accueilli très chaleureusement par Mme Gabriele Hammermann, directrice du Mémorial.

16h15 : Cérémonie dans la Salle du Souvenir du Mémorial de Dachau – Dévoilement d’une plaque mémoire
Dans la Salle du Souvenir du Mémorial, au terme de l’exposition principale du Mémorial du camp de concentration de Dachau, se trouvent actuellement plus de 130 plaques commémoratives et pierres du souvenir. La salle évoque la mémoire d’individus ou de groupes de personnes déportées au camp de Dachau. Les particuliers et les institutions ont la possibilité de dédier des plaques à la mémoire de victimes du camp de concentration de Dachau. C’est dans ce lieu que notre groupe a procédé au dévoilement d’une dernière plaque en mémoire des victimes du convoi 7909 et des victimes ultérieures de la déportation au camp de Dachau et dans ses annexes.



17h00 : Dépôt de gerbe au crématorium
La journée du 5 juillet se termina par un dépôt de gerbe au crématorium du Mémorial, pour rendre hommage aux plus de 500 victimes du convoi 7909, dont les dépouilles alimentèrent les fours crématoires trois jours durant, selon les témoignages dont on dispose


La zone des fours crématoires est le lieu de souvenir central du Mémorial du camp de concentration de Dachau. Dès la libération, ce secteur a été dédié au souvenir des morts. Dans les années 1960, il a été transformé pour prendre le caractère d’un cimetière.
Au début, les SS remettaient aux proches les cendres des détenus morts dans le camp, enfouissaient les cadavres à proximité, ou bien ils les emportaient au cimetière de l’Est, à Munich, pour les incinérer. Avec la forte augmentation du nombre de détenus et du taux de mortalité dès le début de la guerre, les SS firent construire à l’été 1940 un premier crématorium doté d’un four. Un an plus tard, la capacité du four crématoire n’était déjà plus suffisante. Aussi lança-t-on au printemps 1942 la construction du « block X », mis en service un an plus tard. Il comprenait un crématorium avec quatre fours, des chambres de désinfection pour les vêtements, des salles communes et des sanitaires, ainsi que des chambres mortuaires et une chambre à gaz camouflée en « bains-douches ». Il ne fait aucun doute que le « block X » était conçu pour l’extermination massive des détenus.
Au camp de concentration de Dachau, il n’y eut toutefois pas de massacres résultant de l’emploi massif de gaz toxiques. Pour des raisons non élucidées, les SS renoncèrent à utiliser à cet effet la chambre à gaz, pourtant en état de fonctionnement. Selon le témoignage d’un survivant, des détenus ont néanmoins été tués au moyen d’un gaz toxique en 1944.
Le bâtiment des crématoires, situé à l’écart, était également utilisé par les SS comme lieu d’exécution. Des détenus y furent pendus ou tués par une balle dans la nuque. Pour l’essentiel, les victimes étaient membres de divers réseaux de résistance. Un sentier, baptisé « chemin de la mort », passe devant les lieux d’exécution et les tombes où reposent les cendres de ces détenus.
De 1933 à 1945, dans le camp de concentration de Dachau et ses annexes, près de 41 500 personnes sont mortes de faim, d’épuisement ou de maladie, ou bien ont été torturées à mort ou assassinées.
Journée du 6 juillet

Enfin, notre circuit mémoriel s’est terminé par une visite guidée de l’ancien camp de concentration de Dachau dans la matinée du 6 juillet. Les participants ont ensuite pris le train de retour pour la France, marquant la fin d’un périple empreint d’amitié, de fraternité et d’émotion.

Dominique BOUEILH