Cette année, le congrès national de l’Amicale de Dachau revêtait une importance particulière, s’inscrivant dans le cadre du 80e anniversaire du « Train de la Mort ». Tout en conservant les caractéristiques propres à notre rassemblement annuel, il constituait un prélude à notre circuit mémoriel, avec Compiègne pour point de départ.
Le samedi 29 juin avait pour point d’orgue notre Assemblée Générale 2024. Comme à l’accoutumée, cette réunion nous a permis de dresser le bilan de l’année écoulée, mais aussi et surtout d’envisager nos projets futurs.
La première journée de notre congrès fut également l’occasion de partager des moments conviviaux, notamment en soirée, autour d’un dîner organisé dans le cadre somptueux de l’Hôtel de Ville de Compiègne. Pour l’occasion, monsieur Raymond Lovato (président d’honneur de l’ADIRP Oise, du CNRD et de l’association du mémorial du Wagon de la Déportation) nous avait réservé quelques animations surprises : d’abord des slams interprétés par Alexandre Marlot (centre EPIDE de Compiègne), évoquant la déportation ou la tolérance ; puis des extraits de témoignages de déportés de Dachau, lus avec beaucoup de douceur par Sophie Clavreul.
Le dimanche 30 juin, la journée a commencé par une messe dominicale à l’église Saint-Jacques de Compiègne, où un premier hommage aux déportés du convoi 7909 a été rendu. Danielle Périssé, fille de l’ancien déporté Didier Boueilh, y est intervenue.

Nous nous sommes ensuite dirigés vers le monument aux morts de Compiègne, situé à quelques pas, afin de procéder à une cérémonie officielle. En présence des porte-drapeaux et des autorités municipales, Joël Dupuy de Mery, maire adjoint et délégué à la vie patriotique, ainsi que Dominique Boueilh, président national de l’Amicale, ont pris la parole. Dans son discours, que vous trouverez en intégralité ci-après, notre président a rappelé le contexte de la constitution du convoi 7909, et la raison de notre présence à Compiègne ce jour-là, 80 ans plus tard. La cérémonie s’est conclue par des dépôts de gerbes, suivis de l’interprétation de La Marseillaise et du Chant des Marais.

Après la cérémonie, les participants ont été conviés au Salon d’Honneur de l’Hôtel de Ville pour un verre de l’amitié, avant de se retrouver au restaurant pour un déjeuner collectif.
Dans l’après-midi, nous avons effectué une visite libre du musée de l’Armistice, où se trouve une réplique* du wagon dans lequel fut signé l’armistice de 1918. Un peu plus tôt dans la journée, au cours de son allocution prononcée devant le monument aux morts, Dominique Boueilh avait rappelé : « Le choix de la ville de Compiègne comme gare de triage de la déportation semble résulter, d’après l’ouvrage Le Train de la Mort de Christian Bernadac, d’une action psychologique menée par l’envahisseur nazi en représailles de la présence du wagon historique à Compiègne, où l’armistice de 1918 avait été signé, à la grande honte de Hitler. » C’est d’ailleurs dans ce même wagon, réinstallé pour l’occasion dans la clairière de Rethondes, à l’emplacement exact où il se trouvait le 11 novembre 1918, que Hitler avait exigé, dans un esprit revanchard, que l’armistice du 22 juin 1940 soit signé, soulignant la défaite française.
Enfin, le lundi 1er juillet marquait la transition entre le congrès et le début du circuit mémoriel. Cette journée vous est relatée ici, comme première étape de notre pèlerinage depuis Compiègne jusqu’à Dachau. Quant au compte rendu détaillé de la conférence du 1er juillet, « Convoi 7909, les prémices d’un drame », il vous est proposé ici.
Alicia GENIN
*Le wagon original a été transporté en Allemagne comme trophée après la défaite française, puis détruit en 1945 sur ordre de Hitler, juste avant la chute du IIIe Reich. Le wagon actuellement exposé est issu de la même série que l’original, et a été aménagé à l’identique.
Allocution de Dominique Boueilh – 30 juin 2024, monument aux morts de Compiègne
Le choix de la ville de Compiègne comme gare de triage de la déportation semble résulter, d’après l’ouvrage Le Train de la Mort de Christian Bernadac, d’une action psychologique menée par l’envahisseur nazi en représailles de la présence du wagon historique à Compiègne, où l’armistice de 1918 avait été signé, à la grande honte de Hitler.
Entre mars 1942 et août 1944, 28 convois quittent Compiègne vers les camps nazis de concentration et d’extermination. Trois convois en 1942, dix en 1943 et quinze en 1944, emportent plus de 45 000 détenus. Le nouveau Mur des Noms du Mémorial de Compiègne comporte désormais 48 233 noms.
Au lendemain du débarquement du 6 juin, les différents services de police et de sécurité du Reich estiment que la masse impressionnante des détenus des prisons françaises ne doit, en aucun cas, grossir les effectifs des forces alliées d’invasion ou de la Résistance, mais au contraire participer dans les camps de concentration à l’effort de guerre allemand. En ce mois de juin 1944, toutes les régions de France sont donc représentées à Compiègne. Des résistants bien sûr, mais aussi plusieurs centaines d’otages, de raflés, de criminels de droit commun.
Le départ des convois s’accélère donc en ce mois de juin, le camp se vide et c’est dans ce contexte qu’est constitué le convoi 7909, le « Train de la Mort ». Alors même que les détenus attendaient et espéraient chaque jour une libération imminente du camp par les forces alliées, encouragés par le bruit lointain des avions et des bombardements, les listes alphabétiques du prochain convoi sont affichées dans le camp par un sous-officier, l’après-midi du 30 juin 1944.
Les passagers du prochain convoi s’identifient et voient ainsi leur dernier espoir de libération s’envoler. Parmi eux, les parents, grands-parents ou oncles de certains d’entre nous, ici présents.
C’est la raison de notre présence aujourd’hui à Compiègne : marcher sur les traces de nos parents qui ont vécu cette tragédie indescriptible, et surtout, rendre hommage aux nombreuses victimes de ce convoi tragique 7909, avec également une pensée pour tous les déportés du département de l’Oise.
Le 2 juillet 1944, ils étaient plus de 2000 entassés par 100 dans les wagons à bestiaux du convoi 7909. Entre Fismes et Reims, le convoi sera bloqué à plusieurs reprises, par une température extérieure de 34 degrés. Les gardiens interdisent l’ouverture des portes des wagons et tout ravitaillement en eau. Les rares tentatives de ravitaillement par les civils, par la Croix-Rouge et personnels de gare sont sévèrement réprimandées. Elles ne suffiront pas à stopper la folie et la violence qui s’installent dans les wagons sous l’effet de la panique et de l’asphyxie. La seule première journée fit 400 victimes. Le 5 juillet, à l’arrivée sur le quai de débarquement de Dachau, plus de 500 cadavres sont alignés.
Mardi prochain 2 juillet, 80 ans après cette tragédie, le groupe constitué par les familles entamera un parcours mémoriel de quatre jours, qui suivra fidèlement le trajet du convoi 7909, et s’arrêtera dans les principaux lieux où la tragédie s’est déroulée : Compiègne, Vic-sur-Aisne, Fismes, Saint-Brice, Reims, Revigny, Novéant, Sarrebourg, Dachau. Nous avons ainsi préparé, avec le soutien très actif des municipalités respectives, 12 points de cérémonie et d’hommage, chacun avec sa particularité.
Tout comme le convoi 7909 est parti alors que le débarquement du 6 juin 1944 laissait espérer une libération proche, le récent 80e anniversaire du débarquement en Normandie, célébré à sa juste valeur, ne doit pas occulter les 80e anniversaires des tragédies qui se poursuivaient sans répit : le massacre de Tulle le 9 juin 1944, le massacre d’Oradour-sur-Glane le lendemain 10 juin, et l’événement qui nous concerne.
Comment justifier le crime du convoi 7909, pourquoi vouloir évacuer et préserver des déportés pour les exploiter ensuite dans les camps de concentration, et puis soudain, ne pas ouvrir les portes des wagons bloqués sous un soleil accablant, ne pas distribuer un peu d’eau dans l’attente de repartir ? Comment interpréter la non-utilisation des neuf wagons résolument vides en queue de train, lesquels auraient donné plus d’espace aux détenus en souffrance ? Comment l’expliquer sinon par cette idéologie nazie démesurée et assassine, instituant un rapport maître à esclave, et conduisant à l’irrespect le plus complet de la vie et de la dignité humaine ?
Le convoi 7909, trop peu connu sinon par ses survivants et par les villes traversées, est bel et bien un crime contre l’humanité.
Rendons hommage ici à tous ces déportés morts dans le convoi 7909, ou qui ne sont pas revenus des camps, rappelons les valeurs de résistance et de liberté qui les ont amenés au sacrifice, rappelons ces valeurs de solidarité et de partage qui ont pu sauver des vies au fond des wagons sans air, tout comme dans les camps plus tard.
N’oublions jamais, et demeurons dignes de leur souvenir, à tout instant et en toutes circonstances de nos vies.