Le 23 mai dernier, Joëlle Delpech-Boursier était invitée par la directrice du Mémorial de Dachau, Gabriele Hammerman, à un colloque pour parler de la déportation de son père, le Général André Delpech. Le colloque avait lieu au centre d’accueil du camp.
Les deux femmes ont échangé pendant deux heures et demie, d’abord entre elles, puis avec l’assemblée. Les questions portaient, bien sûr, sur les faits de résistance et de déportation d’André Delpech : son entrée en Résistance, son arrestation, le train du 2 juillet, les travaux forcés dans les camps du Neckar, la libération et la vie au retour… Mais les questions abordaient également l’impact de ce vécu concentrationnaire au sein de la famille, ainsi que le regard et le ressenti de Joëlle en tant qu’enfant de déporté.
C’est une des premières fois que le Mémorial fait intervenir des descendants de déportés… Un autre pas vers le travail de mémoire qui est en phase avec ce que nos pères ont réalisé dans le cadre de l’Amicale française et du Comité International de Dachau, à savoir le passage du flambeau aux générations qui leur succèdent… Des témoignages similaires devraient suivre.
Ce colloque fut aussi l’occasion de parler de l’héritage que nous laissent nos pères à travers les valeurs qu’ils se sont efforcés de nous transmettre ; en particulier, à la veille des élections européennes, la nécessité de construire une Europe forte, solidaire et fraternelle, une Europe qu’ils ont connue, eux, dans les camps avant l’heure.
En 1998, André Delpech écrivait d’ailleurs dans le bulletin de notre Amicale : « Dans un précédent éditorial, j’avais souligné que les détenus des camps de concentration hitlériens étaient les premiers Européens. Par la force des nazis et sous la contrainte, nous étions les premiers habitants en provenance de tous les pays européens à cohabiter ensemble. Ce ne fut pas toujours facile. Ce fut souvent tragique. Ce fut parfois réconfortant… En ma qualité de Président du Comité International de Dachau, le CID, je peux témoigner qu’aujourd’hui le sentiment de tous les anciens détenus des camps de concentration nazis, quelles que soient leur origine, leur éthique ou leur nationalité, est d’appartenir à une communauté humaine européenne. Ils doivent certainement représenter l’opinion de la majorité de leurs concitoyens. Il est bien tôt encore pour pronostiquer comment la mise en place d’une Europe se substituera dans nos esprits aux repères affectifs liés à notre patrie, la France. Quoi qu’il en soit, le train de l’Europe vient de partir, aidons-le à poursuivre sa voie pour le bien des hommes et la paix du monde. »