Commémoration du 75e anniversaire du Train de la Mort – 2 juillet 1944

Mémorial des Martyrs de la Déportation (Paris)

Le Mémorial des Martyrs de la Déportation a été érigé au cœur de Paris, sur l’île de la Cité, et inauguré en 1962 par le général de Gaulle, alors président de la République. Conçu par l’architecte Georges-Henri Pingusson et dédié à l’ensemble des déportés de France, ce lieu nous invite par ses symboles à la réflexion, en évoquant la souffrance de celles et ceux déportés en 1941 et 1944.

Le mémorial est situé derrière la cathédrale Notre-Dame, sur l’île de la Cité, près du square de l’Île-de-France, dans un espace verdoyant contrastant avec les escaliers raides menant à un parvis triangulaire entouré de murailles. Dans cet espace fermé de béton, partagé entre un coin de ciel bleu et l’eau de la Seine à travers les barreaux de fer, le lieu est recouvert d’un ciment blanc où sont agrégées quelques pierres des principaux massifs montagneux de France.

Nous entrons dans ce passage resserré entre 2 blocs monolithiques et accédons à la crypte, avec l’étoile du souvenir gravée au centre dans une dalle de bronze. Nous nous répartissons autour de celle-ci, accompagnés de Jean Samuel qui préside cette cérémonie du Train de la Mort du 2 juillet 1944.

Témoignage de Jean Samuel

« Il faisait chaud, très chaud à cent par wagon, encastrés, les uns contre les autres. Nous étions en battue jusqu’à la mort. […] Le soir, couché sur 3 épaisseurs de cadavres, il restait seulement 37 survivants le lendemain dans le wagon. Tous les morts sont réunis dans une moitié de wagon. Trois jours, quatre nuits de voyage à Dachau, petite ville de province où se trouve le camp de concentration, surpeuplé. […] Libération des Américains le 29 avril 1945, nous sommes arrivés à Paris le 10 mai 1945.

J’ai 95 ans, c’est un véritable miracle. »

Témoignage d’Yves Meyer, à travers la lettre lue par sa fille Danielle Meyer

« Quelle émotion dont ils se souviennent encore. »

« À partir du camp de Compiègne, je vois les habitants fermant leurs fenêtres. Le train a la capacité de 45 personnes, il fait 35°C, canicule de 1944. J’ai un projet d’évasion, il est avorté. Dans un autre wagon : 95 morts, un seul survivant. Sur les 2521 déportés, nous observons des otages, des résistants, des prêtres.

Arrêt à Saint-Brice, puis à Revigny le 3 juillet 1944. On compte 984 cadavres dans d’autres wagons. Le 4 juillet, nous sommes à Metz, où nous avalons une soupe de la Croix-Rouge. Le 5 juillet, nous arrivons au camp de Dachau dans la soirée, accueillis par des jets de pierres, des aboiements, des morsures de chien. Nous passons le portail « Arbeit Macht Frei » (le travail rend libre). Nous sommes réduits, nivelés par le bas, nous avons une vie concentrationnaire. »

Témoignages lus par la nouvelle génération des enfants et petits-enfants, Foucaud, Charles, Alicia, Inès et Mathilde

L’atmosphère est dans l’écoute, le désarroi de la mémoire, les images sont terribles, l’émotion est vécue intérieurement, avec pudeur.

« Bilan : 1537 rescapés, 984 morts, des hommes sont devenus fous. Le silence est pesant, les nerfs sont à vif, règnent des angoisses, des syncopes.

On peut entendre se murmurer : non, je ne vais pas moi aussi céder à la folie.

À l’arrivée à Dachau, quatre rangées de cadavres sont constituées, nous sommes asphyxiés, déshydratés. » Edmond Michelet décrit des heures d’épouvante.

Témoignage de Dorothée Roos

Dorothée Roos est conseillère à Mosbach, conseillère de district de Neckar-Odenwald, après des études de philologie et histoire allemande. En 2013, elle a reçu la médaille du Bade-Wurtemberg par le ministre des arts, Theresia Bauer. Elle est aussi présidente de l’association « KZ-Gedenkstätte Neckarelz » (Mémorial du camp de Neckarelz).

Elle nous explique qu’un premier convoi de 500 déportés en provenance de Dachau est arrivé le 15 mars 1944, dans le but de délocaliser une partie de l’usine de moteurs d’aviation Daimler-Benz Genshagen et de mettre ainsi la production de guerre de cette usine à l’abri des bombardements. La vallée du Neckar comportait de nombreuses mines et comptait des travailleurs forcés dès 1942, puis des détenus concentrationnaires dès 1944. Environ 10 000 prisonniers ont travaillé dans le camp de Neckarelz. Dans ce dur labeur est né le chant de Neckar en 1954.

Après un moment de recueillement devant la tombe d’un déporté inconnu décédé au camp de Neustadt, nous avons l’honneur de visiter le mémorial. Une longue galerie obscure est tapissée de facettes de verre symbolisant les dizaines de milliers de déportés morts dans les camps nazis. Nous prenons ensuite le chemin de la visite à travers deux galeries latérales où sont alignées des alvéoles triangulaires abritant les urnes de terre des différents camps et de cendres des fours crématoires. Des poètes ont aussi laissé leur trace, avec des extraits de Robert Desnos, Paul Éluard, Louis Aragon. Tout est sujet à la réflexion au fil des salles : dans le silence et la pénombre, le visiteur ressent l’enfer concentrationnaire. Des écrits, des dessins, des images évoquent la souffrance, le quotidien de celles et ceux qui ont connu l’horreur d’un système au nom d’une idéologie d’un régime totalitaire.

Le mémorial invite à la méditation, à la réflexion, à la prière, à pardonner et à se souvenir.

Sandra QUENTIN