Faire mémoire des déportés gersois et des hommes et femmes de leur famille pendant la guerre…

…Voilà ce qui m’anime depuis deux ans. Fille de Didier Boueilh, déporté à Dachau, je me suis engagée à diffuser l’exposition réalisée par l’Amicale du camp de concentration de Dachau. Ma première démarche s’est faite dans mon village gersois, où sont venus des amis, des membres de notre grande famille, mais aussi des passionnés d’histoire de guerre.

En 2020, pour la Journée de la Déportation, la ville d’Auch mettait à ma disposition un beau site pour proposer ce travail de mémoire aux citoyens et, la semaine suivante, j’avais des visites programmées avec des profs d’histoire pour les jeunes des collèges et lycées. Puis, au mois de mai, je devais exposer à la médiathèque de Riscle. Malheureusement, madame Covid est venue gripper ce programme, que j’ai dû annuler.

Frustrée et déçue de laisser mon matériel dans les placards, j’ai rebondi en installant l’expo dans notre chai, où vieillit l’armagnac et où se reposent les vins mis en fût. De ce lieu singulier pour évoquer le souvenir de mon père qui était vigneron, une visiteuse, petite fille de Juifs, a fait le commentaire suivant : « Incroyable rencontre entre l’eau de vie et la vie, les vies si difficiles, cruelles, et belles… merci pour le bâton de relais… aux jeunes la suite… »

J’ai donc accroché les 25 panneaux de l’expo, et un de plus sur mon père, détaillant son chemin de Saint-Mont à Dachau, puis son retour au pays. Un jour, ma mère, très humble, m’a interpellée sur la nécessité d’évoquer les autres déportés et prisonniers. J’ai donc fait une place aux différents membres de ma famille et de celle de mon mari. Un travail colossal s’est présenté devant moi. J’ai sollicité cousins, voisins, amis âgés, albums de famille, courriers anciens… pour tenter de conter le parcours de chacun, prisonniers, déportés, militaires, résistants, mais aussi Juifs recueillis par la famille de mon mari, sans oublier l’implication des femmes. J’ai ajouté ma documentation, des livres sur la déportation ; j’ai aussi fait un coin pour les jeunes, présentant des travaux du Concours national de la Résistance et de la Déportation… Un jeune visiteur est même venu me porter son devoir, tout fier d’abonder ce travail.

Sûrement un peu en décalage avec la vie dans le camp, j’ai fait une évocation de la vie pendant la guerre, avec photos des travaux sur la ferme, quelques objets du quotidien et toilettes de ce temps-là. Cela me paraissait opportun pour accrocher l’attention de ceux qui ne peuvent pas tout regarder des horreurs de la déportation, et ce lieu permet de faire remonter des souvenirs de famille, qui amènent à aller plus loin dans la prise de conscience de l’intérêt à connaître les histoires de nos aînés, dont nous sommes les passeurs.

Dany Périssé, Alain Bernado (fils de Georges Bernado) et Thérèse Boueilh

Au fur et à mesure des visites, j’ai reçu avec beaucoup d’émotion et de reconnaissance des récits de prisonniers, des carnets militaires, des courriers… et la veste et le calot de déporté de Georges Bernado, grand ami de papa, ainsi que des objets personnels. Ces deux mois furent très riches de rencontres certes chronophages, mais si remplies d’intérêt, d’humanité, de respect, de curiosité et, pour certains, occasion de récits familiaux. J’ai eu la joie d’accueillir des descendants de trois déportés qui n’avaient pas de lien avec la grande famille de l’Amicale. Avec le recul, je crois avoir touché le cœur de ces visiteurs, de mes amis, de ma famille, pour qu’ensemble nous portions cette transmission « laissée sous les fagots », en jargon paysan.

Face à la conjoncture sanitaire, je reconduis ce projet, que j’animerai dans notre domaine du 4 mai au 30 août 2021. Je vous invite donc à venir découvrir le Gers et faire une halte à Sarragachies.

Avec modestie, mais avec tout l’amour pour mon père et ses frères et sœurs de la guerre, je conclurai par ces mots de Thibaut, petit-fils d’une déportée : « Bravo pour ce travail de mémoire, ne jamais oublier ! Quand les hommes perdent leur humanité, d’autres se lèvent. Merci Dany pour ce travail remarquable. »

Dany PÉRISSÉ