La Journée nationale du souvenir des victimes et des héros de la Déportation est chaque année l’occasion de rappeler des événements que l’humanité a condamnés et que nul ne souhaite voir se reproduire.
Il y a 77 ans prenait fin en effet le système concentrationnaire et génocidaire nazi, dont le monde découvrait l’horreur à mesure de la progression des Armées alliées et des récits des survivants.
Ce système fut l’instrument de la destruction d’une grande partie des populations juives et tsiganes d’Europe. Il fut aussi le lieu de détention et de martyre de centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants, déportés pour leur résistance à l’occupant, pour raison politique, du fait de leurs origines, de leur religion, voire de leur orientation sexuelle, ou dans le cadre de rafles de représailles.
Confrontés à la mort omniprésente, à la déshumanisation programmée, à la terreur, aux souffrances incessantes que la faim, la maladie et la brutalité de leurs gardes leur infligeaient, nombre de déportés surent pourtant organiser une résistance et une solidarité exemplaires que beaucoup payèrent de leur vie mais qui sauva de nombreux autres.
Sortis de cet enfer, fidèles aux serments qu’ils prononcèrent à la Libération, aux idéaux de Liberté, de Fraternité et de Paix, de nombreux survivants prirent une part active à la construction d’une Europe nouvelle, voulue pacifique et solidaire, et militèrent inlassablement pour que partout dans le monde soient respectés les droits de l’Homme et la démocratie.
La résurgence d’idéologies porteuses d’exclusions, les tentatives de réécriture de l’Histoire nous font aujourd’hui obligation de poursuivre leur combat et d’entretenir les valeurs qu’ils ont portées, dans un monde marqué par les guerres, la pauvreté, les inégalités, le dérèglement climatique, qui jettent sur les routes d’un exil souvent sans issue et mortifère, des milliers d’êtres humains en détresse. Dans un monde où l’on voit ressurgir le spectre des dictatures, des replis nationalistes et des frontières qui se ferment, l’espoir pour l’avenir réside dans la pérennité de ce combat.
Ce message a été rédigé conjointement par la Fédération Nationale des Déportés, Internés, Résistants et Patriotes (FNDIRP), la Fondation pour la Mémoire de la Déportation (FMD) et les Associations de mémoire des camps nazis, l’Union Nationale des Associations de Déportés Internés de la Résistance et Familles (UNADIF-FNDIR).
Aperçu de cette Journée nationale dans quelques-unes de nos régions :
MAINE-ET-LOIRE
Le dimanche 24 avril 2022 à 11 heures, la ville de Cholet, membre de l’Amicale de Dachau, a organisé sa cérémonie annuelle en hommage aux déportés. Celle-ci s’est déroulée au monument aux morts de la place Créac’h Ferrari, en présence du maire de la ville (monsieur Gilles Bourdouleix), de monsieur le sous-préfet de l’arrondissement, du Souvenir français et de nombreux porte-drapeaux. Les associations étaient particulièrement bien représentées avec la Société de la Légion d’honneur, l’Ordre national du Mérite, les Amis de la Gendarmerie, les Bérets verts de la Légion étrangère, et surtout les associations des camps de concentration et leurs familles.
À cette occasion, le colonel Serge Quentin, président de l’Amicale de Dachau des Pays de la Loire et vice-président de notre Amicale nationale, a lu le message des associations de déportés (voir ci-dessus) et déposé la gerbe au pied du monument aux morts, où figure Marcel Doutreligne, résistant et déporté choletais mort au camp en 1945.
CÔTE-D’OR
Dimanche 24 avril 2022, Dijon, ville membre de notre Amicale, a honoré les victimes et les héros de la Déportation dans le cadre de la journée nationale du souvenir qui leur est dédiée. La cérémonie s’est déroulée au monument des Martyrs, au square Edmond Debeaumarché. Ils étaient nombreux – officiels, civils et militaires, passants et membres d’associations de déportés – à s’être donné rendez-vous pour ce moment de recueillement symbolique. Deux gerbes ont été déposées au pied du monument des Martyrs, l’une par les déportés et leurs familles, l’autre par le secrétaire général de la préfecture de Côte-d’Or. Le Chant des partisans et Le Chant des marais ont été interprétés par Marcel Suillerot, président de la section de Côte-d’Or de la Fédération nationale des déportés, internés, résistants et patriotes, accompagné pour cette occasion par des élèves du lycée Carnot à Dijon.
À VENIR : En partenariat avec la ville de Dijon et le département de la Côte-d’Or, les 12 associations et amicales membres du comité de parrainage du Concours national scolaire de la Résistance et de la Déportation (CNSRD) conçoivent pour la fin 2022 un parcours mémoriel recensant 20 lieux de mémoire de la Seconde Guerre mondiale à Dijon. On retrouvera par exemple la salle des États où furent jugés 15 résistants de l’Auxois fusillés le 1er mars 1944, le siège de la Gestapo, ou encore le mémorial des fusillés.
CHARENTE
Ce dimanche 24 avril 2022, les autorités civiles et militaires étaient présentes au monument aux morts de Cognac.
Après la lecture du message des associations par la présidente, quatre jeunes de monsieur Ferchaud, professeur d’histoire, ont ému et surpris le public. Élèves de première et de terminale de la classe Défense et sécurité globale du lycée Beaulieu de Cognac, Gauthier de Rostolan, Arséne Déhec, Clarisse Morineaud et Clémence Ferchaud ont lu des textes retraçant le sacrifice de quatre résistantes cognaçaises : madame Alice Cailbault-Gardelle, décédée le 8 mars 1943 à Auschwitz, madame Yvonne Pateau, décédée à Birkenau le 9 mars 1943, madame Marguerite Vallina-Maurin, décédée à Auschwitz fin février 1943, et madame Marie Rivière-Quérois, NN, décédée à Ravensbrück le 15 février 1945. Ces trois premières résistantes faisaient partie du « convoi des 31 000 ».
Ces femmes laissèrent derrière elles des orphelins, dont un, Jean Vallina, sera déporté à 16 ans à Sachsenhausen, d’où il reviendra très éprouvé, ayant vu son père torturé avant son départ. Quant à leurs époux, trois sur les quatre ont été fusillés : monsieur Alexandre Pateau et monsieur Lucien Vallina au camp militaire de Souge (33), et monsieur Fernand Rivière au stand de tir des Groues, à Saint-Jean-de-la-Ruelle (45).
Il est important de ne pas les oublier.
Michèle JUBEAU-DENIS
Présidente de l’Amicale de Dachau de
Nouvelle-Aquitaine
À propos des quatre résistantes honorées à la cérémonie de Cognac
Alice CAILBAULT-GARDELLE
Née le 1er avril 1906 à Javrezac, résistante région Cognac réfugiée chez ses parents, Alice Cailbault-Gardelle habite Saint-Laurent-de-Cognac.
En juin 1940, son mari est arrêté à Dunkerque et emprisonné en stalag en Allemagne.
En juillet 1942, elle accepte d’héberger des résistants à la demande de Marguerite Vallina, son amie d’enfance.
Le 12 août 1942 à 5 heures du matin, suite à une dénonciation, elle est arrêtée avec sa fille de 18 ans, Andrée, qui sera relâchée dans la matinée.
Elle est emprisonnée au fort du Hâ, à Bordeaux. Elle part pour Romainville en train plombé, puis en camion pour Compiègne, d’où elle repart le 24 janvier 1943 via le « convoi des 31 000 ».
En gare de Halle (Allemagne), le train se divise : les hommes partent pour le KL de Sachsenhausen, tandis que les femmes partent pour Auschwitz-Birkenau. Là, elle reçoit le matricule 31738, tatoué sur son avant-bras gauche.
Le 12 février 1943, elle est transférée au mouroir du camp des femmes, souffrant d’œdèmes, de jambes très enflées, la rendant incapable de marcher.
Elle décède le 8 mars 1943 à Auschwitz et est inhumée en Allemagne.
Yvonne PATEAU
Yvonne Pateau est née le 14 novembre 1901 à Angles (Vendée).
Résistante région Cognac, elle habite une petite ferme à côté de Saint-André-de-Cognac. Avec son mari, elle cache des armes du côté de Jonzac (17), dans les carrières.
Suite à une dénonciation, mari et femme sont arrêtés le 28 juillet 1942, alors que leur fils Stéphane est âgé de 4 ans à peine. Le soir même, ils sont conduits au fort du Hâ.
Le 12 août 1942, la Gestapo arrête le frère d’Alexandre Pateau et sa femme, qui sont également transférés au fort du Hâ. La famille d’Yvonne Pateau (son frère Célestin, la femme de celui-ci et ses deux sœurs) est arrêtée elle aussi et internée au camp de Mérignac.
Le 21 septembre 1942, Alexandre Pateau est l’un des 70 otages fusillés au camp militaire de Souge, avec Lucien Vallina et d’autres époux des futurs « 31 000 ».
Le 22 janvier 1943, Yvonne Pateau part de Romainville pour Compiègne en camion, puis, le 24 janvier, c’est le départ pour Auschwitz via le « convoi des 31 000 ». Les déportées descendent sur le quai de débarquement de la gare de Halle et sont conduites à pied au camp de femmes de Birkenau.
Yvonne Pateau est enregistrée sous le matricule 31728, tatoué sur son avant-bras gauche.
Le 3 février 1943, les « 31 000 » sont assignées au block 25, mouroir du camp des femmes.
Yvonne Pateau est atteinte de néphrite aigüe et meurt à Birkenau le 9 mars 1943.
Marguerite VALLINA-MAURIN
Née le 14 janvier 1906 à Moings (17), Marguerite Vallina-Maurin est fille de boulangers à Jarnac-Champagne (17).
En 1927, elle épouse Lucien Vallina à Cognac. Ensemble, ils ont trois enfants, Jean, né le 10 juillet 1926, Lucienne, née en 1928, et Serge, né en 1934.
En 1934, la famille Vallina part en Espagne. Deux ans plus tard, Marguerite rentre en France avec ses enfants, tandis que son mari reste en Espagne pour y continuer la guerre. Par la suite, Marguerite réussit à faire libérer son époux, emprisonné à Gurs (64).
En 1939, la famille s’installe rue de Boutiers. De son côté, Marguerite, résistante région Cognac, héberge des combattants, recherche des abris et des cachettes pour les armes. Son rôle est très important.
Le 28 juillet, à 5 heures du matin, suite à une dénonciation, les inspecteurs français et la Gestapo arrêtent l’ensemble de la famille Vallina : le mari, la femme, le fils ainé, la cadette et le petit dernier.
Dans la camionnette qui les conduits à la gendarmerie de Cognac, Margot rassure sa fille et lui glisse à l’oreille : « Ils vont te demander si tu connais celui-ci ou celui-là, tu ne connais personne ! Si on te les montre, tu ne reconnais personne ! ». La fillette ne bronche pas, même quand le policier lui dit : « Ta mère nous l’a déjà dit, tu veux qu’on tue ta mère ? »
Dans la matinée, Lucienne et Serge (13 et 7 ans) sont remis aux gendarmes pour être placés en orphelinat. Les gendarmes refusent et trouvent une tante, la sœur de Margot, à qui ils confient les enfants. Entre-temps, Jean Vallina (16 ans) voit torturer son père pendant des heures. Quant à Margot Vallina, elle est emprisonnée au fort du Hâ.
Le 21 septembre 1942, son mari, Lucien Vallina, est fusillé au camp militaire de Souge.
Le 16 octobre 1942, Marguerite intègre le « convoi des 31 000 », transférée du fort du Hâ au camp de Romainville.
Jean Vallina, libéré après l’exécution de son père, est de nouveau arrêté en novembre 1942.
Le 22 janvier 1943, c’est le transfert de Marguerite vers Compiègne Royallieu.
Le 24 janvier 1943, elle part pour Auschwitz. En gare de Halle, même manœuvre : les hommes partent pour le camp de Sachsenhausen et les femmes sont conduites à pied jusqu’à Birkenau.
Marguerite y reçoit le matricule 31732, tatoué sur l’avant-bras gauche.
Le 3 février, les déportées sont amenées au camp d’Auschwitz.
Le 12 février, elles sont entassées au block 25, mouroir du camp des femmes.
La gorge enflée, Margot ne peut ni manger ni respirer. Elle décède fin février 1943.
Son fils, Jean Vallina, déporté au KL de Sachsenhausen, est libéré le 21 avril 1945, très marqué.
Une plaque commémorative a été apposée le 11 novembre 2015 sur le monument aux morts de Moings, en présence de sa fille Lucienne et de sa famille.
Marie RIVIÈRE-QUÉROIS
Née le 27 juillet 1899 à Saint-Gourson (16), réfugiée et résistante région Cognac, Marie Rivière-Quérois était agent de liaison. Très courageuse et active, elle a facilité pour son groupe l’exécution des sabotages, par les renseignements précis qu’elle recueillait.
Suite à une dénonciation, elle est arrêtée avec 17 membres de son groupe et condamnée à mort par la cour martiale allemande d’Orléans le 1er octobre 1943, pour « actes dirigés contre la sécurité de l’armée d’occupation ». Elle est internée à Orléans puis à Fresnes, avant d’être déportée comme NN (Nacht und Nebel – qui doit disparaître) le 21 octobre 1943, départ de Paris via Aix-la-Chapelle.
Elle passe par les prisons de Karlsruhe, Maldheim, Lübeck, Cottbus avant d’arriver finalement au camp de Ravensbrück le 21 novembre 1944. Elle y décède le 15 février 1945.
Madame Rivière avait un fils de 17 ans, une fille de 14 ans et un autre fils de 8 ans.
Elle s’était mariée le 12 avril 1937 à Fernand Rivière, né à Cognac le 12 janvier 1913. Résistant, il a quant à lui été fusillé au stand de tir des Groues, à Saint-Jean-de-la-Ruelle (45) le 8 octobre 1943.