Grandrupt-de-Bains
7 septembre 1944 au matin, alors que le canon libérateur tonne non loin, en limite du département, le maquis de Grandrupt-de-Bains est attaqué par plus d’un millier d’hommes de la Wehrmacht. La bataille est rude : les maquisards, motivés et aguerris après une formation intensive de 12 jours, verrouillent le dispositif tactique et ne cèdent pas une bribe de terrain.
Les nazis, qui se sont emparés d’otages et qui ne veulent pas subir de lourdes pertes, choisissent le chantage. En fin de matinée, ils lancent un ultimatum sans appel : « soit se rendre et être considérés comme prisonniers de guerre », « soit poursuivre le combat et entraîner la mort des otages ainsi que la destruction des villages de Grandrupt-de-Bains et de Vioménil ».
Les chefs du maquis ne veulent pas que leurs hommes aient du sang d’innocents sur les mains. Ils décident la reddition. 223 hommes se rendent à l’ennemi alors que 144 demeurent terrés dans la forêt jusqu’à la nuit où ils disparaîtront.
Les prisonniers ne seront jamais considérés comme prisonniers de guerre mais connaîtront l’enfer des camps nazis, dont Dachau principalement.
En ce samedi 29 mai 2023, veille de la Journée nationale des victimes et héros de la déportation, l’Amicale Lorraine du camp de concentration de Dachau se devait de se souvenir de ces 223 déportés. Elle devait, comme chaque année, honorer les 117 d’entre eux morts dans les camps, loin de cette belle ligne bleue qu’ils voulaient libre.
La cérémonie devant le mémorial à la Croix de Lorraine du maquis de Grandrupt, cadencée par la Balnéenne – Harmonie du Val de Vôge, a débuté par la remise d’insignes de porte-drapeaux. Ont été ainsi décorés pour avoir été porte-drapeaux pendant 10 ans : madame Jocelyne Fäh, secrétaire et trésorière de l’Amicale Lorraine, et monsieur René Lecard, porte-drapeau en titre de l’Amicale Lorraine. A également été décorée madame Nathalie Thietry, pour 3 ans de porte-drapeau. C’est monsieur Roland Thomas, réfractaire au STO, maquisard de Grandrupt, déporté à Dachau et à Muldhorf, qui leur a remis l’insigne.
La cérémonie s’est poursuivie par la montée des couleurs françaises, l’interprétation du Chant des partisans et du Chant des Marais. Elle s’est terminée par l’hommage aux morts avec les dépôts de gerbes, dont celle de l’Amicale Lorraine de Dachau, par monsieur Thomas accompagné des personnalités.
Émouvante cette cérémonie en présence de cet ancien du camp de concentration de Dachau, centenaire plus un an, qui a montré une nouvelle fois sa fidélité à ses camarades du maquis de Grandrupt-de-Bains, dont les noms sont inscrits en lettres d’or sur le mémorial à la Croix de Lorraine.
André BOBAN
Président de l’Amicale de Lorraine
Cognac
L’heure était solennelle devant le monument aux morts de Cognac, ce dimanche 30 avril 2023.
Pour la Journée nationale du souvenir des victimes et des héros de la déportation, élus et militaires leur ont rendu hommage à travers discours, dépôts de gerbes et minute de silence.
La classe Défense du collège Elisée Mousnier était présente lors de l’événement, tout comme les jeunes sapeurs-pompiers de Cognac, venus honorer Hervé Bazoin (pompier, résistant déporté et décédé à Dachau) et Roger Favre (pompier résistant, torturé à mort).
Michèle Jubeau-Denis, présidente de l’Amicale de Dachau Nouvelle-Aquitaine et fille de Jean Denis, résistant déporté, a rappelé la signification du partage de la « bouchée de pain ».
À Dachau, lors du terrible hiver 1944, le docteur Lafitte avait demandé, à tous les déportés à peu près valides, de prélever une part sur leur maigre ration, qui diminuait pourtant chaque jour, afin d’aider leurs compagnons qui n’avaient plus la force de travailler et ne recevaient donc pas de nourriture. Cette initiative et ce sacrifice supplémentaire ont permis de sauver des vies humaines.
Et pour compléter l’émotion, en fin de cérémonie, deux personnes qui attendaient sagement, très émues, sont venues se présenter : le neveu et la nièce de Roger Favre
Belle journée !
Michèle JUBEAU-DENIS
Présidente de l’Amicale de Nouvelle-Aquitaine
Dijon
À Dijon, la cérémonie du 30 avril s’est tenue au square Debeaumarché, devant la prison où beaucoup de résistants ont été incarcérés avant leur déportation. Elle s’est déroulée en présence des autorités civiles et militaires, ainsi que de nombreuses associations d’anciens combattants et des Amicales des camps de concentration de Dachau et du Struthof, de Oranienburg-Sachsenhausen et du CNSRD.
La colonne où sont déposées les gerbes est en pierre du camp du Struthof, et une plaque rappelle que ce monument contient une urne rassemblant des cendres et de la terre recueillies dans tous les camps de concentration hitlériens.
Edmond Debeaumarché est né à Dijon. Résistant et déporté à Bergen-Belsen, il reçut le titre de compagnon de la Libération en 1945.
Avant la guerre, il entre aux PTT. Il rejoint le groupe de Résistance ACTION PTT, puis crée en 1942 l’État-Major PTT ou EM-PTT. Ce dernier prend en main les liaisons postales de la Confrérie Notre-Dame (CND), le réseau de renseignement créé par le colonel Rémy.
Edmond Debeaumarché (dit « Dury », alias « l’Ami ») et ses ambulants les LSGD (Lignes souterraines à grande distance) assurent le transport de l’ensemble du courrier des organisations de la Résistance.
Après une première arrestation le 2 janvier 1944 par la Gestapo, il réussit à se procurer trois codes secrets de codification utilisés par la milice française de Darnand et à s’en servir pour déchiffrer les copies de tous les télégrammes chiffrés qui transitent par le central télégraphique de Paris. Il les fait ensuite passer au SOE.
De nouveau arrêté le 3 août 1944, il est emmené 11 rue des Saussaies, siège de la SIPO. Il y est interrogé par le capitaine Wagner, qui brisera deux nerfs de bœuf au cours de cet interrogatoire. Pendant plusieurs jours, il subit toutes les tortures infligées par la Gestapo, mais ne parlera jamais. Il dira après la guerre : « Je n’ai jamais eu conscience d’être un héros, mais seulement un homme qui s’est dressé contre une insulte à sa dignité d’homme ».
Il est déporté le 15 août 1944, via le dernier convoi massif de déportation de la région parisienne. Après diverses péripéties du convoi, il arrive à Buchenwald, puis est transféré à Dora le 2 septembre 1944.
Instigateur du complot de Dora, il est condamné à mort par pendaison le 11 novembre 1944, mais il est à nouveau envoyé à Dora le 17 mars 1945, puis libéré le 15 avril 1945 par la 11e division blindée britannique.
De retour à Paris, il organise avec trois de ses camarades, le 1er mai 1945, le défilé sur les Champs-Elysées.
Il décède le 28 mars 1959 à Suresnes, et ses obsèques sont célébrées dans la cour d’honneur des Invalides.
Il est inhumé au cimetière des Péjoces à Dijon.
Sa tenue de déporté est exposée au musée de l’Ordre de la Libération.
Françoise GINIER-POULET
Délégation Bourgogne