Congrès 2019 à Sarlat

Vendredi 27 septembre 2019

Inauguration de trois expositions : l’expo DACHAU, l’expo de la FNDIRP sur la Seconde Guerre mondiale et l’expo sur l’oeuvre de l’affichiste Alain Carrier

Alain Carrier reçoit le prix du général André Delpech lors de l’inauguration. Ici entouré de Jean-Michel Thomas et Sonja Holtz, Président et Trésorière du CID.

Samedi 28 septembre 2019

Assemblée Générale de l’Amicale

La journée du samedi a débuté avec notre Assemblée Générale, dont vous trouverez le compte rendu détaillé en pages 7 à 11 de notre bulletin n°749. Elle s’est poursuivie l’après-midi avec notre colloque public et une cérémonie-hommage au général Delpech au cimetière de Vitrac.

Colloque public : « La déportation : pourquoi et comment assurer le passage de mémoire ? »

Ce 74e congrès portait sur le thème du devoir de mémoire et était présidé par Joëlle Delpech-Boursier, fille du général André Delpech, résistant quercinois qui fut déporté à Dachau par le Train de la Mort du 2 juillet 1944, et par Dominique Boueilh, fils de Didier Boueilh et actuel Président de l’Amicale du camp de concentration de Dachau. Joëlle Delpech-Boursier a rappelé que le général Delpech fut également Président de l’Amicale et qu’il défendait déjà des valeurs communes relatives au devoir de mémoire, en visant la nouvelle génération. (cf. Avoir vingt ans à Dachau de Joëlle Delpech-Boursier, disponible sur notre boutique en ligne)

La dynamique de ce colloque a démarré avec Sylvie Graffard, qui distribuait la parole aux anciens déportés Pierre Schillio et Roger Poulet. Tous deux ont témoigné de leur vécu et évoqué ce qui les aidait à tenir malgré l’atrocité de chaque instant. À travers une lettre, notre Vice-Président Jean Samuel s’est excusé de son absence pour raisons de santé, mais a tenu à apporter son témoignage, s’estimant chanceux d’être encore vivant à l’âge de 95 ans. Surpris de l’engouement des jeunes, il se dit heureux de pouvoir saluer les valeurs pour lesquelles « nous avons combattu » et se réjouit de la transmission de ce patrimoine. Décédé le 19 septembre 2019, Clément Quentin avait demandé, 11 jours avant le colloque, à son petit-fils, Wilfried Quentin, de témoigner en son nom. L’émotion était palpable au son du récit évoquant l’importance du lieu de ce colloque pour Clément Quentin. Venu aux Eyzies en Dordogne en reconnaissance pour rejoindre la Résistance, il était revenu en convalescence après la guerre à Giversac. (cf. Stück 72889, cobaye humain à Dachau de Clément Quentin, disponible sur notre boutique en ligne)

Roger Poulet et Pierre Schillio

Avant d’écouter plus longuement les témoignages, nous étions environ 150 à regarder un extrait de film sur la libération du camp de Dachau. Après la projection, le temps est resté suspendu quelques instants dans la salle. Ce film relate aussi le parcours du Train de la Mort du 2 juillet 1944, dont le bilan fut de 984 morts. Aux survivants, les nazis avaient demandé de déposer trois choses : leurs Biens personnels, leurs Droits et leur Dignité. Le travail avait ensuite été réparti selon les états de santé et l’âge de chacun, et ils étaient quotidiennement tenus à effectuer entre 12 et 16 h de travail forcené. Entassés jusqu’à 400 dans des chambres, certains mouraient d’épuisement et de maladie. 13000 prisonniers sont décédés dans les derniers mois, et quelque 2206 autres après leur libération. Pour garder le moral, ils confectionnaient en cachette des drapeaux pour les 26 pays représentés au camp… La libération devenait une célébration de la vraie vie, jour de travail et de la liberté. Il est rappelé que les vivres manquaient, et qu’ils étaient tourmentés par l’incertitude et les interrogations. « Comment venir à bout de tout ce qui a été vécu ? » Ils avaient décidé entre eux d’œuvrer pour ne plus qu’il y ait un autre Dachau.

Sylvie Graffard a ensuite repris la parole pour demander : « Pourquoi la création de l’Amicale et que souhaitaient-ils transmettre à leurs proches et aux générations suivantes ? »

C’est d’abord Wilfried Quentin, porte-drapeau de l’Amicale, qui a répondu au nom de Clément Quentin et a repris ses mots sur le sens des valeurs et des devoirs par rapport à la France. Après moultes humiliations et tortures, il ne cessait de rappeler, comme ce fut le cas lors du congrès à l’Assemblée Nationale en mars 2013, qu’il restait optimiste et vigilant. Clément Quentin, homme de foi, avait pardonné après 10 ans de cheminement. Mais il n’oubliait pas et prônait le devoir de mémoire afin de ne pas reproduire les erreurs du passé. L’intonation, le rythme de la voix de Wilfried Quentin résonnaient dans la salle, et nous étions suspendus aux maux décrits et subis. Nous avions la gorge serrée, et on pouvait sentir que chacun d’entre nous retenait ses larmes.

Puis Pierre Schillio, ce gamin déporté avec son père en 1943, à l’âge de treize ans et demi, le plus jeune français du camp, a pris la parole. Chacun à leur tour, son père et lui se sont sauvé la vie. Ils avaient d’abord été envoyés ensemble au ghetto de Varsovie en octobre/novembre 1943. À Dachau, l’hiver suivant fut très froid et ils connurent des séjours à l’infirmerie, dont ils parvinrent à sortir grâce à une manœuvre du jeune Pierre s’exprimant en allemand avec les SS. Le docteur Weil de Versailles, arrivé par le Convoi de la Mort, informa Pierre qu’il existait une antichambre des fours crématoires à l’infirmerie. Son père et lui évitèrent le pire. Ils ont toujours réussi à se soutenir, même pendant la période de séparation de 8 mois qui précéda leurs retrouvailles le 29 avril 1945. « Quand l’un était plus faible, l’autre était plus fort. L’Union fait la Force. » Ils sont toujours restés unis au sein de l’Amicale.

Edmond Michelet disait qu’il fallait de nouvelles générations actives pour continuer la tradition initiée.

Sylvie Graffard a alors demandé à Pierre Schillio : « Qu’est-ce que l’Amicale t’a apporté ? ». Réponse de Pierre : « Je suis rentré à l’Amicale en 1952, après mes études. La liberté et le travail vont ensemble, ma famille est sur quatre générations de pianos. J’ai beaucoup appris grâce au général Delpech et aux Anciens de Dachau, ceux qui au début ne parlaient pas par peur de ne pas être crus. J’ai aussi témoigné dans des écoles aux côtés des historiens. Et j’en ai appris presque plus dans les livres que ce que j’ai vu là-bas, car nous ne pouvions pas tout voir. »

Puis est venu le tour de Roger Poulet, 98 ans, qui nous a fait vivre sa détresse du Train de la Mort. Il avait été dénoncé par un « gars » dans un maquis et, selon ses dires, son ultime but était de sauver sa peau. Il a travaillé à l’usine BMW.

Que ce soit au Comité International de Dachau ou à l’Amicale française, les Anciens ont voulu transmettre et associer la jeunesse au souvenir. C’était déjà une préoccupation lors du congrès à Reims. André Fournier en parlait : il était important de recevoir le message de leur combat. C’est André Delpech qui disait que l’Europe avait commencé à se façonner dans le camp, et il a continuellement veillé à maintenir la mémoire.

Afin de conclure cette première table ronde, Joëlle Delpech-Boursier nous a rappelé qu’il ne faut pas déformer, mais expliquer le « pourquoi » pour ne pas reproduire les erreurs du passé, et mettre en lumière les valeurs pour lesquelles les Anciens ont combattu. Un extrait vidéo a ensuite été diffusé, sur lequel apparaît le portail à l’entrée du camp de Dachau, avec la devise Arbeit Macht Frei, et où le général Delpech aimait dire : « On n’a pas à se glorifier d’avoir été un esclave parce qu’on a vu la nature humaine dans toute son horreur et on ne peut pas être fier, à ce moment-là, d’être un être humain. » Il était persuadé que l’expérience devait servir, pour que les générations futures puissent réfléchir.

Après ces poignants témoignages, nous avons assisté à la deuxième table ronde, animée par Romain Bondonneau, professeur d’histoire au lycée Pré de Cordy, et par Marie-Claire Dardevet, professeure d’histoire au collège de Belvès, près de Sarlat. Quatre jeunes participaient à cette table ronde. Deux d’entre eux, à savoir Valentine Amado de Souza, 16 ans, et Alexis Doublein, 15 ans, sont lauréats du Concours de la Résistance et de la Déportation grâce à des projets innovants : une bande dessinée et un court métrage avec la République espagnole présente à Dachau. Les deux autres jeunes, Inès Quentin et Paul Boueilh, sont des petits-enfants de déportés.

Alexis, Paul, Valentine et Inès

Alexis Doublein avait à cœur de préciser que le fait de savoir rendrait meilleur, qu’il était essentiel de transmettre la mémoire, que tout n’était peut-être pas suffisant mais nécessaire. Quant à Valentine, elle a expliqué qu’elle avait toujours été intéressée par ce sujet et qu’elle avait voulu le montrer avec Alexis à travers l’art et la musique. Elle avait été touchée par le film Le Pianiste, et c’est par la suite que lui est venue l’envie de dessiner quelques pages.

C’est aussi grâce à l’implication de professeurs passionnés que le travail de mémoire demeure. À juste titre, elle remerciait les élèves présents au colloque et nous faisait prendre conscience que c’était aussi l’occasion pour ceux-ci de rencontrer de vrais témoins. Les lieux de mémoire, eux aussi, sont très importants.

Un débat d’idées sur le devoir de mémoire a ensuite pris forme. Inès Quentin a pris le parti de dire que communiquer est une bonne initiative, tandis que Romain Bondonneau et les élèves ont défendu le positionnement de l’Éducation nationale, qui laisse les professeurs d’histoire libres d’aborder ce sujet. Marie-Claire Dardevet a précisé qu’elle a fait son choix d’en parler, qu’elle a engagé ses élèves dans le projet, avec tous les moyens visuels et audio, comme les vidéos et les sites internet.

Nous sommes ensuite arrivés à la troisième et dernière partie du colloque, où chacun était invité à parler du « pourquoi », du sens de l’Amicale, et plus précisément de l’intérêt d’une telle association. À commencer par le Président de l’Amicale de Dachau, Dominique Boueilh, qui a remercié les organisateurs pour ce magnifique colloque, riche et captivant. Issu d’un milieu rural, il nous a parlé de ses origines et a confié avoir été initié par son père qui, très tôt, a partagé avec lui ses ressentis vis-à-vis de l’Amicale, pour l’inviter au fur et à mesure à prendre le relais. « Je me suis investi, tout comme Joëlle et Serge, pour porter ce souvenir. » En exposant sa démarche, il nous dit encore : « Dans chaque déporté, il y a un peu des autres. Notre action n’a de sens que si elle est collective. » En effet, si chacun individuellement prend la mesure et apporte son savoir personnel, nous pouvons collectivement coordonner et transmettre des valeurs. Dominique Boueilh s’est dit heureux de voir des jeunes s’investir, et nous a demandé qui prendrait le relais au sein de l’Amicale. Les bonnes volontés sont accueillies au sein du bureau.

La parole est passée au Sous-Préfet de Sarlat, Sébastien Lepetit, qui a félicité les enseignants de leur engagement et a souligné l’importance des témoignages. Ce sont ensuite les jeunes qui, dans un échange plus global, ont évoqué l’importance des réseaux sociaux et des témoignages, même au travers de personnes interposées, pour parler de ce qui a été. La communication semble au cœur du système, elle est nécessaire pour perpétuer l’histoire au-delà des témoignages qui se font de plus en plus rares. L’idée serait de faire vivre les textes. Il est rappelé également que la vigilance et la précaution sont de mise face aux jeunes enfants qui découvrent ce pan de l’histoire, autour de la violence des mots, des images, des émotions. Il est ainsi nécessaire de prévenir les jeunes de ce qu’ils sont susceptibles de voir et d’entendre, afin de préserver le respect de la dignité et transmettre les valeurs dans un contexte bienveillant.

Ce fut ensuite le tour de Laurent Soutenet, Président de la Fraternité Edmond Michelet, de remercier notre travail de transmission et de saluer notre initiative. Enfin, Monseigneur Perrier – évêque de Tarbes et de Lourdes, qui sortira une biographie d’Edmond Michelet pour le 50e anniversaire de sa mort en 2020 – nous a fait part de sa vive émotion quant à l’humanité du personnage. Il était lui aussi impressionné par l’intérêt et l’engagement des jeunes.

Hommage au général Delpech au cimetière de Vitrac

Un peu plus tard dans la journée, nous nous sommes rendus au cimetière de Vitrac, où repose le général Delpech (1 octobre 1924 – 18 juillet 2012). Au travers de discours, les valeurs du grand homme ont été saluées. Président du CID entre 1992 et 2005, André Delpech a toujours œuvré pour rapprocher les nations de l’Europe et s’est toujours accroché avec détermination, humilité et attention dans la mission qu’il s’était fixée. Monsieur Frédéric Traverse, maire de Vitrac, nous a conté brièvement son parcours et a évoqué les honneurs rendus au nom de ses actions. Aujourd’hui, sa fille Joëlle Delpech-Boursier est Secrétaire Générale adjointe de l’Amicale… Une bien belle manière de passer le relais, avec honneur, amour et humanité.

Enfin, nous avons prolongé notre recueillement en entonnant le chant des marais. En quittant le cimetière, les mots d’Angela Merkel, cités plus tôt par monsieur le Maire, résonnaient encore à nos oreilles : « La Liberté n’est pas un cadeau du ciel, mais devrait se conquérir chaque jour. »

Dîner de gala aux Milandes

Dominique Boueilh (Président de l’Amicale), Rosemary Phillips (chanteuse) et Alex Boursier (Trésorier de l’Amicale et organisateur du congrès)

Pour clôturer cette belle journée du samedi 28 septembre, nous nous sommes rendus au parc de Joséphine Baker (Milandes) pour profiter d’une magnifique soirée de gala. Au cours du long et délicieux dîner, nous avons notamment pu écouter Frédéric Périssat, Préfet de la Dordogne depuis novembre 2018, défendre les valeurs de la Liberté dans le refus de l’oppression. Enfin, nos oreilles sont tombées sous le charme de la chanteuse Rosemary Phillips et de son orchestre, qui ont repris avec beaucoup de talent les chansons de Joséphine Baker.

Dimanche 29 septembre 2019

Cérémonie commémorative au Monument aux Morts

Notre congrès s’est clôturé le dimanche 29 septembre par une cérémonie commémorative au Monument aux Morts, suivie d’un office religieux à la cathédrale Saint-Sacerdos.

Au cours de cette cérémonie, le Président de notre Amicale a rendu hommage aux victimes de la déportation originaires du Périgord et s’est attaché à rappeler dans quelle mesure cette région avait fait acte de résistance et de sacrifice au moment de combattre l’ennemi nazi.

Vous pouvez lire ici l’intégralité des discours prononcés à cette occasion par notre Président et par monsieur Sébastien Lepetit, Sous-Préfet de Sarlat.

La presse parue à la suite de notre congrès est consultable ici.