Cérémonie du Père Lachaise 2019

Traditionnellement, pour les fêtes de la Toussaint, la FNDIRP rend hommage aux victimes de la barbarie nazie en déposant des fleurs au crématorium, au jardin du Souvenir, au pied des Monuments de chacun des camps de concentration, devant la tombe de Christian Pineau et devant le caveau de la FNDIRP, au cimetière du Père Lachaise.

L’Amicale de Dachau sera présente lors de cette cérémonie et vous invite à l’y rejoindre le :

Jeudi 24 octobre 2019 à 10 heures au Cimetière du Père Lachaise

Rendez-vous à 9 h 45 devant l’entrée, rue des Rondeaux (métro Gambetta)

L’Union des Associations de mémoire des camps nazis aux Rendez-vous de l’Histoire de Blois (octobre 2019)

Dans le cadre des Rendez-vous de l’Histoire de Blois, édition 2019, notre Union des Associations de mémoire des camps nazis a organisé une table ronde intitulée
« Les déportations d’Italie vers les camps nazis : histoire méconnue, mémoires vivantes ». En voici le compte rendu, que nous devons à Caroline Ulmann de l’Amicale de Mauthausen.

« Les déportations d’Italie vers les camps nazis : histoire méconnue, mémoires vivantes »

Table ronde organisée par l’Union des associations de mémoire des camps nazis, pilotée par D. Durand et D. Simon le 10 octobre 2019 (Amphi de l’INSA) à Blois, aux Rendez-vous de l’Histoire.

Marie-Anne Matard-Bonucci, professeur d’histoire contemporaine à l’université Paris 8, spécialiste de l’Italie fasciste, expose le contexte politique : l’arrivée au pouvoir en Italie en 1922 de la dictature de Mussolini et la création de « centres de relégation » dans les îles et dans les lieux éloignés, pour les antifascistes, les étrangers et les Juifs. Puis les lois raciales de 1938, qui excluent les Juifs de la vie publique. Après la déclaration de guerre et l’alliance avec les nazis : l’ouverture de camps pour les opposants au régime fasciste, les étrangers et les Juifs à Ferramonti (Calabre). Puis le débarquement en Sicile en 1943 et la destitution de Mussolini, ébauche d’une autorité politique impliquant le roi et les alliés, au sud jusqu’à Rome. Les Allemands occupent le centre et le nord de l’Italie et permettent le retour de Mussolini dans la fantoche « république de Salo » : ouverture des camps de concentration nazis en Italie, avant des déportations dans le Reich : Fossoli à Carpi, Bolzano, la Risiera de San Sabba, près de Trieste.

Marie-Anne Matard-Bonucci

Dominique Durand (Buchenwald-Dora) fait état du message cordial de Dario Venegoni, président de l’ANED (association nationale des ex-déportés italiens) et rappelle quelques données chiffrées sur la déportation italienne : 8 500 Juifs déportés parmi les 40 000 déportés italiens ; 23 400 « politiques » résistants et raflés ; 10 à 15 000 hommes et femmes détenus dans les camps nazis en Italie. En plus des déportés dans les KL, environ 250 000 personnes furent emmenées hors d’Italie pour le travail forcé et 650 000 soldats faits prisonniers par les anciens alliés allemands et envoyés dans les camps de prisonniers en Allemagne et dans les territoires occupés. Au total, près d’un million d’Italiens ont été faits prisonniers ou déportés en tant qu’esclaves en Allemagne.

Pour Elisabetta Ruffini, directrice de l’Istituto bergamasco per la storia della Resistenza e dell’età contemporanea, il y a une multiplicité d’histoires que l’ANED, dès le retour, s’attache à croiser avec la volonté de faire de la déportation une histoire commune. Mais une définition très vague de la notion de déportation se met en place. Les Italiens furent les derniers à sortir des camps : après une guerre qui avait été aussi une guerre civile, la structure de l’État était à reconstruire. Les Italiens de Mauthausen ont constitué une délégation de trois membres (Giuliano Pajetta, Enea Fergnani et le professeur Balducci) partie fin mai pour l’Italie afin de demander aux autorités de prendre en compte la question du rapatriement des déportés italiens libérés qui gisaient et continuaient de mourir dans les camps. C’est à partir du choc, dans la presse, des photos de déportés décharnés, que Mauthausen devient le symbole de la déportation politique italienne. Celle-ci est lue dans le sillage de la résistance qui permet à l’Italie de sortir de la guerre en refondant identité nationale et conscience démocratique : entrée en guerre comme monarchie, après la guerre l’Italie devient une République. La Seconde Guerre mondiale lue par le prisme de la résistance va être fondatrice de ce discours.

Elisabetta Ruffini

Peter Kuon, professeur de littérature française et italienne à l’université de Salzburg, présente ses travaux comparant les témoignages des survivants italiens et français : sur vingt-cinq témoignages publiés sur le camp d’Ebensee, les Français racontent tous (sauf deux) la libération sur un mode héroïque. Les Italiens, restés dans leurs baraques à l’état de morts vivants, n’ont aucun geste héroïque à raconter. En revanche, les récits des Italiens sont imprégnés d’une détresse et d’une vulnérabilité absolue. Une des raisons de leur retour tardif est leur faiblesse physique. La situation des Italiens était très précaire à Mauthausen : considérés comme des traîtres par les Allemands, ils étaient des fascistes pour les autres. Au bas de l’échelle, il était difficile pour un Italien d’accéder à un poste de responsabilité, qui aurait pu permettre de protéger des camarades : « après nous, il n’y avait que les Juifs ». De plus, il n’y avait pas de cohésion du groupe national : les Italiens parlant leurs dialectes ne se comprenaient pas et, après une scolarité sous le régime fasciste, ils n’avaient pas connu de débat ni d’éveil politique… Ils n’avaient pas d’expérience de la résistance, des réseaux clandestins comme les Français. C’est pourquoi, à la différence de ceux-ci, ils évoquent des survies individuelles.

Qui écrit ? 98 % des Italiens survivants n’écrivent pas ; ceux qui écrivent sont des juristes, des universitaires, des journalistes, à l’exception de Giuliano Pajetta (membre du PC italien exilé en France, puis revenu en Italie et déporté à Mauthausen). Il faut attendre les année 1970 et des témoignages souvent recueillis et publiés avec le soutien de l’ANED. Ceux qui ont déjà une expérience d’écriture suivent un modèle classique : ils se présentent comme des résistants antifascistes et antinazis. Les autres, la plupart, racontent leur vie d’avant, sous le fascisme dont ils ont été victimes, avec des références religieuses – et à Dante aussi, auteur très populaire en Italie.

Peter Kuon

Souscrivant à ces propos de Peter Kuon, Elisabetta Ruffini ajoute que la voix du déporté va rendre problématiques les récits de la résistance. Malgré le faible nombre de survivants, 11 témoignages sont publiés dès avril 1945, 13 en 1946, 4 en 1947, 1 en 1948, puis le silence jusqu’en 1952. Ce ne sont pas les grandes maisons d’édition qui publient ces témoignages : ces livres n’ont pas une grande diffusion, car la voix des déportés n’est pas la voix de la victoire, du blanc et noir, des bons et des méchants, ce sont des histoires qui ramènent au passé et à ses luttes, qui ouvrent des questions sur l’espèce humaine, qui interrogent l’Homme et l’Italie d’après-guerre qui a envie d’oublier et de vite tourner la page. Ces témoignages écrits dans la hâte portent une voix différente de l’image de la déportation créée avant le retour des déportés, qui reste très articulée au symbole de l’Italie résistante et victorieuse que l’on trouve dans les journaux et l’espace public. D’une part, dans la période 1945-48, face à des histoires que personne, au fond, ne veut écouter, s’impose le symbole des déportés politiques admis dans le martyrologe national qui fonde l’identité de la République. D’autre part, le symbole du déporté politique va produire des zones d’ombre, des silences, mais peut-être pas là où nous le pensons : on dit souvent que le symbole du déporté politique pousse dans le silence la Shoah. Si l’on regarde les années 1945-1947, on doit nuancer cette formule : en Italie, sept femmes prennent la parole pour raconter Auschwitz, suivies à la fin de 1947 par Primo Levi : l’histoire de la Shoah trouve ainsi ses témoins. En revanche, le symbole des déportés politiques va pousser vers le silence les femmes résistantes, qui n’arrivent pas à prendre la parole avant les années 1970.

Changeant l’angle de vue, un extrait de l’entretien avec Boris Pahor réalisé en juin 2019 par Sylvie Ledizet et Claude Simon a été diffusé. Écrivain slovène né en 1913, dans l’empire autrichien à Trieste, ville devenue italienne en 1918, et déporté à Natzweiler, Dachau, Dora, Bergen Belsen, il est l’auteur de Nekropola (en français : Pèlerin parmi les ombres, la Table ronde, 1996). Marie-Anne Matard-Bonucci rappelle que les fascistes ont eu une politique très dure concernant les minorités linguistiques, en particulier celles du nord-est. Boris Pahor a été déporté parce qu’il s’est engagé auprès des partisans yougoslaves. Il y a eu des camps spécifiques pour les Slovènes, et il ne faut pas oublier ni que les Italiens n’étaient pas des « aryens » pour les nazis, ni que les fascistes ont réprimé férocement les Slaves.

Elisabetta Ruffini souligne que la mémoire de la déportation en Italie a été construite par le bas, grâce à la ténacité des survivants, de leurs familles et de leur association, l’ANED. On peut essayer de fixer par des images quelques moments de cette construction :

  • L’image choc de la libération des déportés, quand la délégation envoyée à Mauthausen rentre en Italie : le 30 mai 1945, la première image dans la presse italienne publiée dans l’Unità (ci-dessous).
  • Le premier monument consacré à la déportation est inauguré durant l’été 1945 au Cimitero Monumentale de Milan : il s’agit d’une œuvre du cabinet d’architectes BBPR (Banfi, Belgiojoso, Peressuti, Rogers), engagé dans la résistance, dont deux membres, Banfi et Belgiojoso, ont été déportés à Mauthausen – d’où Banfi ne rentre pas. C’est ce cabinet qui va réaliser pour l’ANED les plus importants monuments de mémoire consacrés à la déportation.
Cimetière monumental de Milan
  • La première Exposition nationale des Lager en décembre 1955, pour le 10e anniversaire de la libération : un groupe des survivants et des familles des déportés de Fossoli sollicite le maire de Carpi (où se trouvait le camp) pour organiser une célébration qui, à la fin des fêtes de la libération de l’Italie, porta à la mémoire des Italiens le sort des déportés. C’est en Italie la première exposition nationale sur les Lager : il y a là un changement radical dans l’iconographie des expositions sur les thèmes de la Deuxième Guerre mondiale. La déportation n’est plus donnée à voir comme sacrifice offert dans la lutte de la libération nationale : l’attention du visiteur doit se porter sur la déportation racontée dans sa complexité, des parcours différents à lire dans leur spécificité et cependant partagés. Dans la cour du Palais des Pio à Carpi, chaque camp occupe un espace spécifique et l’histoire de chaque camp dialogue avec celle des autres. En 1956, l’exposition est présentée à l’Institut de la Résistance de Modène qui, souvent en collaboration avec l’ANED, assure la tournée de l’exposition dans toute l’Italie : de Rome à Turin, de Ferrare à Vérone…
Exposition nationale des Lager

Dans le sillage de cette exposition, les premières rencontres entre déportés et jeunes ont lieu : lorsqu’elle arrive à Turin, une fillette de douze ans écrit une lettre au journal de la ville (La Stampa) pour demander que quelqu’un lui raconte l’histoire que les photos évoquent et elle signe sa lettre « la fille d’un fasciste qui veut savoir la vérité ». Les adultes sont indignés, mais il faut dire que la guerre n’est pas dans les programmes scolaires. Une lettre de Primo Levi se distingue : il écrit au nom de l’ANED, il remercie la fillette et se dit disponible pour rencontrer les jeunes. La première rencontre a lieu le 4 décembre 1959, suivie par une deuxième le 5 décembre. Grand moment fondateur : pour la première fois, Primo Levi prend la parole en public et les membres de l’ANED commencent à être invités à raconter leur histoire.

Aujourd’hui encore, nous n’avons pas de liste officielle des noms des déportés italiens : c’est seulement en 1968 que l’État italien a listé les noms pour établir les ayants-droit à une pension – mais il faut se déclarer, et tous les déportés ou leurs familles ne l’ont pas fait. Si le chiffre des déportés juifs est plus précis, il est le résultat d’un travail de la communauté juive, qui avait commencé à établir seule les listes dès 1944. Or cette caractéristique de la mémoire italienne est bien visible sur l’esplanade des monuments à Mauthausen : le monument italien ne ressemble pas aux autres : c’est un mur tapissé de plaques dans tous les sens avec les photos des déportés, apportées par les familles. On pourrait parler de désordre, mais en le regardant on peut entendre le bruit de la mémoire qui se construit par le bas, hors de la rhétorique nationale.

Monument italien à Mauthausen

Ce caractère se retrouve dans bien d’autres monuments qui ont fait la mémoire italienne, mais qui ont aussi contribué à jalonner la mémoire européenne. À Ebensee, c’est une croix, sur un projet de Giò Ponti : Hilda Lepetit, veuve de Roberto Lepetit, l’a fait construire toute seule, sans aide de l’État, très tôt après l’un de ces voyages que souvent les veuves de déportés ont fait pour retrouver le corps de leur mari. Hilda retrouve l’emplacement de la fosse où reposent 1 000 déportés et peut-être son mari, et elle décide de leur consacrer ce lieu qui a continué à marquer la mémoire du village d’Ebensee, où les traces du passé avaient été vite effacées. De même à Gusen : ce sont des déportés italiens qui, choqués par l’effacement des traces, ont fini par construire ce qui aujourd’hui est devenu le Mémorial de Gusen. L’ANED, avec l’aide des Français, a acheté le crématoire du camp, et le cabinet BBPR a élaboré le projet.

Il faut ainsi relever une autre caractéristique de la construction de la mémoire de la déportation italienne : l’implication très forte de l’art. À Carpi, l’ANED a réalisé en 1973 le Museo monumento al deportato politico e razziale : une muséographie artistique réalisée aussi par le cabinet BBPR par le croisement des différents langages et registres de sens. À Auschwitz, la mémoire de l’Italie avait été portée par l’ANED et marquée encore une fois par un geste artistique du cabinet BBPR, dans le Block 21, avec le concours exceptionnel de Primo Levi, Pupino Samona, Nelo Risi et Luigi Nono pour créer un lieu de mémoire. C’était une œuvre unique ! Mais en 2015, l’Italie a accepté l’ultimatum des autorités polonaises : retirer l’œuvre avant qu’elle ne soit détruite par le Musée d’Auschwitz, au motif qu’elle comportait des symboles communistes de l’après-guerre. L’ANED a pu réinstaller l’œuvre à Florence…

Mémorial italien d’Auschwitz

En conclusion, Marie-Anne Matard-Bonucci met en évidence la diversité de la déportation en Italie : les déportés résistants avaient une voix plus audible, mais tous se sont heurtés à l’incompréhension. Le musée de Carpi est le plus beau musée de la résistance et de la déportation en Italie qui rassemble toutes les mémoires. Si l’enjeu est bien de viser une mémoire vivante, il faut aussi, aujourd’hui, en faire un combat humaniste. Elle approuve ainsi un propos de Peter Kuon, pour qui les migrants qui arrivent en Italie ont des histoires à raconter ; c’est de notre devoir de faire la liaison entre ce qui s’est passé et ce qui se passe aujourd’hui.

Caroline ULMANN
Amicale de Mauthausen

Commémoration du 74e anniversaire de la libération du camp de Dachau

Le dimanche 5 mai dernier, un millier de personnes se sont rassemblées, d’abord au crématorium puis sur la place d’appel du camp de Dachau, pour commémorer le 74e anniversaire de la libération.

Au crématorium, le maire de Dachau a remis des roses blanches à de jeunes lycéens : une coutume répétée chaque année en hommage à la Résistance allemande, baptisée la Rose blanche. Jean Samuel, ancien déporté, a alors pris la parole au nom du Comité International et rappelé les sévices physiques, moraux et psychologiques subis par les déportés.

Le Général Jean-Michel Thomas, Président du CID, a déposé une gerbe aux pieds du Déporté inconnu. Il était pour l’occasion accompagné de deux anciens déportés – Vladimir Feirabend et Jean Samuel –, du ministre de la Culture de l’ État libre de Bavière – le Dr Piazolo –, et de monsieur Freller, directeur des mémoriaux bavarois et vice-président du Parlement.

Le cortège – précédé du livre des morts porté par Roger de Tavernier, Président de l’Amicale belge, du drapeau du CID porté par Wilfried Quentin, et des drapeaux de toutes les nations représentées au camp – a ensuite remonté la Lagerstrasse jusqu’à l’Appelplatz dans un silence émouvant, uniquement ponctué par le son des cloches du carmel. Le drapeau français, c’est à souligner, était porté par Alicia, notre secrétaire récemment recrutée, qui faisait à cette occasion son premier voyage au camp.

Sur l’Appelplatz, l’assemblée a pu écouter l’orchestre de chambre de violons et violoncelles lui offrir un beau moment d’émotion. Gabriele Hammerman a salué les déportés, les autorités et toutes les personnes présentes, tandis que le ministre de la Culture a pris la parole pour traiter de la mémoire. Le Président du CID les a remerciés et leur a répondu dans un discours en allemand, dont nous vous présentons la version française ci-après. Enfin, les représentants des Sinti Roms et de Slovénie ont lu un texte en hommage à un déporté mort au camp, membre de leur communauté ou pays.

Puis ce furent le dépôt de la centaine de gerbes, la sonnerie du Last Post et le Chant des marais. Pour clore cette journée, ceux qui le souhaitaient se sont rendus à Hebertshausen à la cérémonie des officiers russes fusillés, pour ensuite prendre une collation à la maison Max Mannheimer avant de se quitter et de rentrer dans leurs pays respectifs.

Il est à noter que les autorités françaises étaient présentes en les personnes de monsieur le Consul général de France à Munich et de madame Descôtes, ambassadrice de France en Allemagne, lesquels ont pris le temps de venir saluer notre délégation française.

Ce fut sans conteste une cérémonie émouvante et empreinte de recueillement. Une fois encore, les commémorations de Dachau auront marqué les anciens, mais aussi les générations suivantes, qu’elles auront convaincues de poursuivre l’engagement de leurs aînés, par conviction autant que par devoir.

Discours de Jean Samuel au crématorium

Chers camarades, chers amis, Mesdames, Messieurs,

Aujourd’hui, nous sommes ici pour commémorer le 74e anniversaire de la libération du camp de Dachau et je vous souhaite la bienvenue au nom du Comité International, dont j’ai été longtemps le secrétaire général.

Mon ami Abba Naor, momentanément indisponible, mais qui reviendra ici en juin, m’a demandé de le remplacer pour vous accueillir.

Nous les anciens, qui sommes encore là, nous dirons que nous avons eu de la chance, la chance de pouvoir encore témoigner.

Pour moi, c’est d’abord ce train de Compiègne à Dachau, le 2 juillet 1944, surnommé le Train de la Mort, dont je fus l’un des 37 survivants sur les 100 camarades de mon wagon, déportés de France pour faits de Résistance, et entassés durant 3 jours par une forte chaleur.

Pendant notre déportation, à Dachau et dans les camps du Neckar, nous avons subi toutes les contraintes qui ont aliéné notre liberté : travaux forcés, faim, brimades. Notre espoir à la libération était de ne plus subir ces humiliations.

Nous sommes sincèrement attachés à la liberté, dont nous avons été privés, et à la défense avant tout de l’individu face à toutes les oppressions et contraintes.

Il faut être vigilant. Actuellement en Europe, on perçoit un relâchement et une menace qui semblerait porter atteinte à la liberté de pensée et d’opinion. Nous voyons ressurgir aussi des mouvements antisémites et nationalistes.

Mais ne perdons pas espoir, car nous voyons toute une génération de nos enfants et petits-enfants défendre les valeurs pour lesquelles nous avons combattu.

Je vous remercie.

Discours de Jean-Michel Thomas, Président du CID, sur l’Appelplatz

Les menaces sur la démocratie en Europe doivent nous interroger.

Le paysage politique s’est en effet modifié avec l’expression d’insatisfactions, de mécontentements et de frustrations. Les représentations parlementaires ont évolué et des inquiétudes se font jour pour les prochaines élections en Europe. Ce contexte international est fragile, avec l’inadmissible recrudescence de l’antisémitisme et l’islamisme radical, toujours présent.

Mais nous sommes aussi menacés par la relativisation du nazisme et de sa politique d’extermination, sous les balles des Einsatzgruppen, dans les chambres à gaz à Auschwitz, par le travail et la faim à Dachau et dans les autres camps de concentration. Nous connaissons les qualificatifs ignobles employés pour la négation de ces 12 années de nazisme, débutant par la construction du camp de concentration de Dachau en 1933, et il est inutile de rappeler ces abjections.

Cette posture de déni n’est plus marginale. Face à cette volonté d’ignorer ou de déformer le passé, il faut préserver l’histoire de cette époque et la mémoire des acteurs et actrices qui ont contribué il y a soixante-quatorze ans à d’autres perspectives qu’à une Europe brune et bottée.

À ce titre, les rescapés de Dachau furent parmi les premiers Européens. Au nom du « Plus jamais ça », ils ont été fidèles à la mémoire de tous leurs compagnons de misère : les opposants politiques, dont les premiers Juifs arrivés au camp, les résistants ayant combattu le régime nazi, les patriotes de tous les pays en guerre refusant de collaborer avec l’occupant, les prêtres, les Sinti et Roma, les homosexuels. Les rescapés souhaitaient d’abord que leur histoire, tellement inimaginable, soit crue et exposée. Leurs souhaits ont été exaucés, et les travaux de la Fondation, du Mémorial et de nombreux volontaires au sein d’associations sont désormais là pour les garantir. Qu’ils en soient remerciés.

Vouloir relativiser et mettre entre parenthèses le nazisme, c’est menacer la transmission de l’histoire et de ses leçons. Les tentatives de caricatures, de simplifications ignorant la réalité et de stigmatisation de toute résistance sont un réel danger. Elles rendraient impossible la connaissance et la compréhension par les nouvelles générations de l’histoire des tragédies du XXe siècle et de leur complexité. Et auraient pour effet de banaliser les actes criminels de tous les totalitarismes.

C’est dans ce contexte, en présence d’une hostilité réelle, que notre rassemblement et notre recueillement d’aujourd’hui prennent tout leur sens dans cette cérémonie internationale, dont il n’est pas inutile de rappeler le but et la signification.

Notre cortège vient de traverser avec ferveur tout le site du camp. Il était précédé par le livre des 40 000 morts à Dachau et dans ses camps extérieurs. Et il était accompagné par les derniers survivants, entourés par les drapeaux des nations des détenus de ce camp, portés par leurs descendants ou des jeunes soucieux de se souvenir.

La dernière étape émouvante de cette procession va se dérouler devant ce monument, au pied duquel nous allons nous incliner.

Ce mouvement a pour point d’orgue le dépôt de gerbes et le recueillement, pour honorer les morts qui se sont opposés et ont combattu le nazisme et son idéologie fondée sur le racisme et la xénophobie. Dachau a été l’un des premiers camps, construit moins de deux mois après l’arrivée d’Hitler au pouvoir. Ses premiers détenus sont ceux qui se sont opposés à cette idéologie mortifère et qui ont été pourchassés pour leurs combats, leurs croyances et leurs opinions. Devenant rapidement la « maison mère », le modèle de formation à l’école de la violence pour tous les autres camps, Dachau est aussi devenu le symbole de la Résistance au nazisme.

Déposer aujourd’hui une gerbe au pied du monument aux victimes du camp de concentration de Dachau et de ses camps extérieurs a donc une valeur simple et universelle, qui dépasse les clivages et les divergences d’opinions sur la gestion immédiate de nos sociétés démocratiques. C’est en effet reconnaître le véritable aspect du nazisme et ses millions de victimes. C’est aussi honorer l’idéal et le martyr de ceux qui ont résisté et sacrifié leur vie à combattre cette idéologie.

Ce geste symbolique et compris de tous, cet hommage d’union, a une portée évidente. Il est bien sûr ouvert à toutes et à tous, sans exclusive, dans le respect et la fraternité. Et il est rendu, selon le rituel traditionnel, par les représentants des institutions fédérales et bavaroises, des communautés religieuses, des différentes nations et de leurs associations mémorielles, puis de tous les partis politiques, syndicats et associations qui le souhaitent.

Ce rassemblement international dans le recueillement est donc porteur d’espérance. La réalité historique ne peut être niée, ignorée, transformée ou adoucie. Elle nous interpelle et nous devons nous en souvenir et la respecter. Certains refusent cette évidence et rejettent cette démarche. Ils ne peuvent qu’être dévorés par leurs contradictions idéologiques.

Intervention de Joëlle Delpech-Bousier au Mémorial de Dachau

Le 23 mai dernier, Joëlle Delpech-Boursier était invitée par la directrice du Mémorial de Dachau, Gabriele Hammerman, à un colloque pour parler de la déportation de son père, le Général André Delpech. Le colloque avait lieu au centre d’accueil du camp.

Les deux femmes ont échangé pendant deux heures et demie, d’abord entre elles, puis avec l’assemblée. Les questions portaient, bien sûr, sur les faits de résistance et de déportation d’André Delpech : son entrée en Résistance, son arrestation, le train du 2 juillet, les travaux forcés dans les camps du Neckar, la libération et la vie au retour… Mais les questions abordaient également l’impact de ce vécu concentrationnaire au sein de la famille, ainsi que le regard et le ressenti de Joëlle en tant qu’enfant de déporté.

C’est une des premières fois que le Mémorial fait intervenir des descendants de déportés… Un autre pas vers le travail de mémoire qui est en phase avec ce que nos pères ont réalisé dans le cadre de l’Amicale française et du Comité International de Dachau, à savoir le passage du flambeau aux générations qui leur succèdent… Des témoignages similaires devraient suivre.

Ce colloque fut aussi l’occasion de parler de l’héritage que nous laissent nos pères à travers les valeurs qu’ils se sont efforcés de nous transmettre ; en particulier, à la veille des élections européennes, la nécessité de construire une Europe forte, solidaire et fraternelle, une Europe qu’ils ont connue, eux, dans les camps avant l’heure.

En 1998, André Delpech écrivait d’ailleurs dans le bulletin de notre Amicale : « Dans un précédent éditorial, j’avais souligné que les détenus des camps de concentration hitlériens étaient les premiers Européens. Par la force des nazis et sous la contrainte, nous étions les premiers habitants en provenance de tous les pays européens à cohabiter ensemble. Ce ne fut pas toujours facile. Ce fut souvent tragique. Ce fut parfois réconfortant… En ma qualité de Président du Comité International de Dachau, le CID, je peux témoigner qu’aujourd’hui le sentiment de tous les anciens détenus des camps de concentration nazis, quelles que soient leur origine, leur éthique ou leur nationalité, est d’appartenir à une communauté humaine européenne. Ils doivent certainement représenter l’opinion de la majorité de leurs concitoyens. Il est bien tôt encore pour pronostiquer comment la mise en place d’une Europe se substituera dans nos esprits aux repères affectifs liés à notre patrie, la France. Quoi qu’il en soit, le train de l’Europe vient de partir, aidons-le à poursuivre sa voie pour le bien des hommes et la paix du monde. »

Commémoration des événements du 18 mai 1944

75e anniversaire

Le 18 mai 1944 vers midi, au 25 Cité des Fleurs, la Gestapo arrêtait huit résistants dont l’un réussissait à s’échapper : Jean Meyer. Colette Heilbronner, elle, était exécutée sur place. Les autres furent déportés, dont Roland Haas, décédé récemment, et Jean Samuel, toujours vivant. Ils appartenaient au réseau Plutus, le plus important réseau de faux papiers de toute la Résistance. Plutus était d’ailleurs l’un des pseudonymes de Pierre Kahn-Farelle, chef de réseau implanté à Lyon. Cette année-là, de nombreuses arrestations eurent lieu dans cette ville afin de décimer le réseau. L’urgent pour celui-ci fut donc de recréer le service de l’identité et des faux papiers sur Paris. Le 25 Cité des Fleurs fut d’abord l’un des lieux d’action choisis par le réseau dans la capitale, puis, le danger se rapprochant, le réseau décida de les évacuer et étudier en urgence une réorganisation. Le lieu de ce dernier rendez-vous : 25, Cité des Fleurs.

La cérémonie du 75e anniversaire de la tragédie du 25 Cité des Fleurs, avec dépôt de gerbe par monsieur le Maire du 17e devant la plaque commémorative, s’est déroulée le jeudi 16 mai 2019 et était suivie d’une conférence-débat. La commémoration s’est faite en présence de Jean Samuel, dernier survivant de ces événements, et des enfants de Roland Haas, arrêté lui aussi le 18 mai 1944.

Ravivage de la Flamme sous l’Arc de Triomphe

Flamme du Souvenir, Flamme de la Nation, Flamme de l’Espérance

En ce jour du 29 avril 2019, 74 ans après la libération du camp de Dachau et le lendemain de la Journée nationale de la Déportation, l’Amicale de Dachau se rassemblait autour du cénotaphe pour le ravivage de la Flamme sous l’Arc de Triomphe, représentée par Pierre Schillio, secrétaire général de l’Amicale.

Comme chaque soir à 18 h 30 – et ce, depuis le 11 novembre 1923 –, le clairon sonne en souvenir de nos martyrs et de nos héros de guerre. À ce jour, 760 associations d’anciens combattants honorent la Flamme, et nous étions avec La Légion, et un collège d’Australie, afin de rendre hommage au soldat inconnu.

La cérémonie a débuté par un défilé jusque sous l’Arc de Triomphe, avec les porteurs de gerbes en tête, suivis des porte-drapeaux et des membres de l’Amicale.

Au son du clairon et du tambour de la Garde Républicaine, nous avons assisté à la mise en place du drapeau de la Flamme. Ambiance solennelle, chaque pas millimétré de La Légion donnait le tempo d’une musicalité dans les gestes et le vent légèrement sifflotant.

Puis sont arrivés le commissaire de la Flamme, et Pierre Schillio, Mathilde et Anne-Laure Quentin pour la dépose de la gerbe, haute en couleurs près de la Flamme.

Trois jeunes représentants de chaque association ont ouvert la trappe à l’aide d’un glaive afin de raviver la Flamme, les drapeaux se sont inclinés, et il s’est ensuivi une minute de silence.

Cette Flamme du Souvenir, valeureux symbole – du grec symbolon, qui signifie rassembler, mettre ensemble –, a justement réuni des déportés, des familles et amis présents aux côtés de Pierre Schillio. Et comme disait Victor Hugo :

« Et l’on voit de la flamme aux yeux des jeunes gens,
Mais dans l’œil du vieillard, on voit de la lumière »
(Booz endormi, extrait de La Légende des siècles)

De nombreux spectateurs, venus pour l’occasion, observaient attentivement et reprenaient à l’unisson la Marseillaise, sous le tonnerre du tambour.

Le temps fut enfin venu pour la signature du livre d’or et la salutation des membres de l’Amicale le long de la dalle.

Ce cérémonial quotidien rend hommage à celles et ceux qui ont servi la France, notre Nation, où clairon et tambour sonnent et entonnent la mélodie de la Paix devant cette Flamme de l’Espérance.

« Honneur à nos grands morts. Grâce à eux, la France, hier soldat de Dieu, aujourd’hui soldat de l’humanité, sera toujours soldat de l’idéal. » George Clémenceau

Sandra QUENTIN

Cérémonie de Cholet – Journée nationale de la Déportation

Comme toutes les régions de France en ce dernier dimanche d’avril, la Ville de Cholet organisait sa cérémonie en mémoire de la Déportation.

Accueillis par monsieur Gilles Bourdouleix, maire de la cité des bords de la Moine, les porte-drapeaux et associations se sont rassemblés devant le monument Creach-Ferrari. C’est monsieur Clément Quentin, aujourd’hui dans sa quatre-vingt-dix-neuvième année, qui a lu le message des associations d’anciens déportés, avant que les autorités ne déposent leurs gerbes. Pour l’État, ce fut monsieur Michalak, sous-préfet, et pour la Ville, monsieur Bourdouleix accompagné de monsieur Quentin. Ils se sont ensuite déplacés de quelques mètres pour s’incliner devant le monument des Juifs de Cholet arrêtés et massacrés à Auschwitz. Monsieur le Maire a rappelé que la place Creach-Ferrari, en accueillant maintenant le monument de la 1ère Armée de Lattre de Tassigny, était le lieu de recueillement pour toutes les cérémonies liées à la Seconde Guerre mondiale.

Rappelons que la Ville de Cholet est membre de notre Amicale et nous l’en remercions sincèrement.

Rencontre éducative au lycée Hélène Boucher

Ils étaient trois de l’Amicale à intervenir le 29 mars 2019 au lycée Hélène Boucher, dans le 20e arrondissement de Paris : Jean Samuel, Pierre Schillio et Joëlle Delpech-Boursier.

Cette rencontre, qui a lieu tous les ans, est organisée par l’ADVR (Association de Défense des Valeurs de la Résistance). Son président, monsieur Yves Blondeau, a collaboré avec la proviseure du lycée Hélène Boucher, madame Nouis, afin de proposer une soirée entre les élèves du lycée et des résistants, déportés, enfants cachés et auteurs d’ouvrages de témoignage.

Plus de 150 lycéens étaient présents, tous volontaires, répartis par 15 autour d’une table et son orateur.

Il est remarquable que ces jeunes, âgés de 16 à 18 ans, soient volontaires pour entendre raconter cette période de notre Histoire. Les questions étaient très pertinentes, les échanges riches… Beaucoup d’espoir, donc, en ce qui concerne la transmission de la Mémoire.