Projet label « Mémoire en Héritage »

De novembre 2021 à juin 2022, un jeu de notre exposition itinérante DACHAU circulera dans le département de l’Isère. La raison de ce long voyage ? Un ambitieux projet lancé par Jean-Paul Blanc, président départemental de l’UNADIF 38 (et accessoirement membre de l’Amicale de Dachau) :

le projet label « Mémoire en Héritage »

Présentation du projet par l’UNADIF 38 : « Ce projet consiste à faire travailler une classe d’un collège ou lycée sur le parcours d’une femme ou d’un homme, Résistant(e), Déporté(e), pendant la totalité de l’année scolaire. La classe devra travailler sur le passé de cette Résistante ou Résistant. Les élèves seront encadrés par un ou deux professeurs d’Histoire ou autre, intéressés par le projet, et pourront présenter ce parcours sous la forme de leur choix : travail à réaliser par les élèves, recherche sur la personne désignée, possibilité d’un journal de bord, reportage photographique, reportage vidéo, etc.. L’UNADIF 38, qui travaille depuis plusieurs années avec un professeur de Lettres et un professeur d’Histoire du Collège Louis Aragon de Villefontaine, a proposé pour le lancement de ce projet de travailler sur un Résistant, Déporté de Lyon, monsieur Robert VALLON. Son fils, Alain VALLON, qui habite à Bourgoin-Jallieu, pourra apporter la connaissance du parcours de son père lors d’une conférence au Collège. Le projet sera organisé autour des recherches des élèves, des visites de lieux d’internement assorties d’ateliers pédagogiques, des visites de musées, des rencontres. Pendant l’année scolaire, les étudiants du BTS audio-visuel du Lycée Léonard de Vinci seront chargés de la captation vidéo qui permettra in fine de créer un reportage mêlant témoignages, images d’archives et récits. L’UNADIF 38 apportera un soutien tout au long du projet, en se rendant régulièrement auprès des élèves à la demande du collège, et en les accompagnant lors de visites programmées. L’UNADIF 38 présentera une exposition sur le camp de DACHAU, où a été déporté Robert Vallon. Cette exposition sera visible au collège Louis Aragon, courant novembre 2021. Monsieur Alain Vallon présentera pour la première fois des dessins de Dachau, rapportés par son père. Cette série de dessins, dont aucune reproduction n’a été faite, a été exécutée par un Allemand concentrationnaire. Les scènes qui y sont représentées sont celles vécues quotidiennement par les détenus français qui connurent l’horreur des camps de la mort et qui seuls ont le droit de revendiquer le titre de Déporté. À la libération du camp par les Américains, la Croix-Rouge distribua des colis de nourriture aux détenus français. Robert Vallon partagea ce colis avec un détenu allemand et ce dernier lui donna en remerciement cette collection. Monsieur Jean-Olivier Viout, Substitut général du Procureur de la République en 1987 qui a assisté le Procureur Pierre Truche lors du procès de Klaus Barbie, fera une conférence au collège le 13 janvier 2022. En juin sera organisée une présentation du travail réalisé par les élèves, en présence des autorités locales et départementales. Cette journée sera aussi celle de l’inauguration par le maire de Villefontaine de l’Impasse Robert Vallon. Ce sera également le lancement officiel de ce projet national. Ce projet initié par l’UNADIF – FNDIR 38 est une première en France. En fonction de la qualité et de l’impact territorial de ce projet pilote, ce type de travail pourrait être réalisé sur l’ensemble du territoire français. Nous avons de très nombreuses personnalités du monde combattant, résistants, déportés, prisonniers, militaires, sur lesquels il est possible de faire travailler des élèves, afin de démontrer l’ardeur de ces défenseurs de la République. Dans ce projet, nous avons le soutien de l’Education nationale, du Département de l’Isère, de la Mairie de Villefontaine, de l’ONACVG de l’Isère et de la 27e BIM. »

Robert Vallon en quelques mots…

Entré en Résistance puis arrêté le 6 avril 1944 à Lyon, Robert Vallon fut d’abord interné à Montluc, où une cellule à son nom a été inaugurée en 2015 (la cellule 109). Il fut ensuite transféré à Compiègne, d’où il fut déporté vers Dachau le 2 juillet 1944 par le tristement célèbre « Train de la Mort » (5e convoi parti de France vers Dachau après le débarquement du 6 juin, ce convoi doit son nom au nombre extrêmement élevés de morts à son arrivée en gare de Dachau le 5 juillet 1944).

Pour témoigner des conditions de vie dans le camp, il rapporta à la libération une série de gravures réalisées par un Déporté allemand, qui lui donna ses dessins pour le remercier d’avoir partagé une partie du colis que la Croix-Rouge française lui avait remis.

À son retour en France, sa femme le quitta et lui laissa Alain, leur fils alors âgé de 18 mois. Robert Vallon se mobilisa très rapidement pour venir en aide aux Déportés et leur famille. Président de l’Association des Rescapés de Montluc durant 35 ans, de 1962 à 1997, année de son décès, il fonda également avec Robert Namiand, un autre Résistant-Déporté, la Journée départementale de la Résistance dans le Rhône. Enfin, Robert Vallon a représenté les Anciens Rescapés de Montluc au procès de Klaus Barbie, l’homme qui fut son bourreau avant sa déportation, et a assisté, en compagnie de son fils Alain, à toutes les séances du 11 mai au 4 juillet 1987.

Il a été décoré de la Croix d’Officier de la Légion d’honneur, la Médaille Militaire, la Croix de guerre 39-45 citation à l’ordre du régiment, la Médaille de la Résistance, la Croix du Combattant Volontaire de la Résistance, la Médaille de la déportation pour faits de Résistance, et la Médaille des blessés militaires.

Dessins rapportés de déportation par Robert Vallon

Cérémonie du Père Lachaise 2021

Traditionnellement, pour les fêtes de la Toussaint, la FNDIRP rend hommage aux victimes de la barbarie nazie en déposant des fleurs au crématorium, au jardin du Souvenir, au pied des Monuments de chacun des camps de concentration, devant la tombe de Christian Pineau et devant le caveau de la FNDIRP, au cimetière du Père Lachaise.

L’Amicale de Dachau sera présente lors de cette cérémonie et vous invite à l’y rejoindre le :

Jeudi 28 octobre 2021 à 10 heures au Cimetière du Père Lachaise

Rendez-vous à 9 h 45 devant l’entrée, rue des Rondeaux (métro Gambetta)

Visite guidée et commentée sur le site du maquis de Grandrupt-de-Bains

10 juillet et 14 août 2021

Cette année encore, lors d’activités estivales de détente, l’Amicale Lorraine du Camp de Concentration de Dachau, en lien avec l’association Mémoire du Maquis de Grandrupt-de-Bains, a tenu à perpétuer la mémoire du maquis de Grandrupt-de-Bains et de ses 116 morts en déportation, dont de nombreux au camp de concentration de Dachau. Ainsi, les associations sœurs ont organisé deux visites guidées et commentées, gratuites et ouvertes à tous, le samedi 10 juillet et le samedi 14 août. La volonté était certes de faire participer les adultes, mais surtout les plus jeunes, pour leur apporter la connaissance des événements tragiques qui ont durement frappé le territoire de la Vôge, partie sud du département des Vosges et partie nord de la Haute-Saône, il y a de cela 77 ans.

Le rendez-vous était fixé devant le mémorial à la Croix de Lorraine du maquis, où sont gravés en lettres d’or les noms des disparus. L’introduction à la visite relatait le pourquoi et le comment du maquis à Grandrupt-de-Bains, en août 1944, alors que le canon libérateur tonnait aux portes du département. Ensuite, c’était la promenade en campagne et en forêt, avec des haltes fréquentes pour présenter les parachutages, la vie et l’entraînement au maquis, l’encerclement et la reddition après un dur combat et un odieux chantage : « rendez-vous et vous serez considérés comme prisonniers de guerre » ou « si vous poursuivez le combat, les 40 otages déjà prisonniers seront exécutés et les villages de Grandrupt-de-Bains et de Vioménil, qui vous ont apporté leur soutien, seront rasés ».

Lourde décision à prendre pour le chef du maquis, qui n’a cependant pas voulu que les patriotes qui l’avaient accompagné aient du sang d’innocents sur les mains. Une partie des hommes s’est rendue, les autres sont restés terrés dans leurs emplacements de combat. Loin était la promesse pour les prisonniers qui, au lieu d’être considérés comme prisonniers de guerre, ont connu la terrible déportation.

Monsieur Roland THOMAS, 100 ans en novembre prochain

Pour terminer la promenade, tous les participants se sont retrouvés au mémorial, où le dernier des maquisards déportés, monsieur Roland Thomas, 100 ans en novembre prochain, a évoqué sa déportation, ses terribles séjours à Dachau puis à Mühldorf, l’un des kommandos de Dachau. Ce camp fournissait la main-d’œuvre pour la construction d’une usine souterraine destinée à produire le Messerschmitt 262 (Me-262), chasseur à réaction dont l’objectif était de défier la supériorité aérienne alliée sur l’Allemagne.

Les discussions se sont terminées devant un rafraîchissement particulièrement apprécié en ces jours d’été qui, il convient de le préciser, étaient ensoleillés. La prochaine promenade aura lieu le samedi 18 septembre, avec un rendez-vous à 15 heures devant le mémorial du maquis.

André BOBAN,
président de l’Amicale Lorraine du Camp de Concentration de Dachau

Commémoration du 77e anniversaire du Train de la Mort

Mémorial des Martyrs de la Déportation, Paris, 2 juillet 2021

Le 2 juillet dernier, nous étions une vingtaine à nous retrouver au Mémorial des Martyrs de la Déportation, en plein cœur de Paris, pour commémorer le 77e anniversaire du départ du Train de la Mort vers Dachau. Parmi les participants, nous avons pu compter sur la présence fidèle de Jean Samuel et Yves Meyer, tous deux survivants de ce terrible convoi, mais aussi sur la venue de quelques officiels, dont madame Véronique Peaucelle-Delelis, directrice générale de l’ONACVG.

Heureux de nous réunir après de longs mois de crise sanitaire, nous avons discuté gaiement dans les jardins du Mémorial avant de nous diriger vers la crypte du Mémorial. Là, dans l’atmosphère solennelle qui caractérise le lieu, le ton s’est évidemment fait plus sérieux. En l’absence du président de notre Amicale nationale, c’est Jean-Michel Thomas, président du Comité International de Dachau (CID), qui nous a adressé quelques mots de bienvenue avant de céder la parole à Jean Samuel. L’ambiance était désormais au recueillement.

« Chers amis,
Aujourd’hui, 2 juillet 2021. Il y a 77 ans, nous sommes partis ; nous, c’est-à-dire des hommes que les nazis avaient arrêtés. Ce 2 juillet 1944, il faisait chaud, très chaud, trop chaud. Conduits en gare de Compiègne, un train de marchandises nous attendait. Dans chaque wagon, un bidon d’eau et un seau hygiénique. Nous nous sommes retrouvés à 100 personnes, entassés les uns contre les autres avec 100 boules de pain et 100 saucissons. La température est devenue insupportable. Certains sont devenus fous, se sont jetés les uns contre les autres et se sont battus. Dans mon wagon, 60 morts. Le train a continué de rouler. Assis sur les cadavres, nous avons pu respirer. Le train ne s’est arrêté que le lendemain en Allemagne. Dans une gare, la Croix-Rouge allemande alertée nous a servi une soupe chaude. Les Allemands ont regroupé les cadavres dans les derniers wagons. Le train est parti. Il a roulé encore et encore et il s’est arrêté en gare de Dachau. Dachau, une gentille petite ville avec un camp de concentration… Dans ce camp, les prisonniers mourraient de la faim, du froid, du typhus et du travail forcé. Le 29 avril, les Américains sont arrivés. Aujourd’hui, j’ai 97 ans. J’ai beaucoup de chance.
Je vous remercie. »

C’est ensuite Yves Meyer qui a pris la parole pour nous relater, dans des mots tout aussi poignants, son expérience personnelle du convoi n°7909. Nous vous renvoyons ici à la page 4 de notre bulletin n°755, où nous avions retranscrit le message vidéo d’Yves Meyer pour le 76e anniversaire de la libération du camp de Dachau. Pour l’ancien résistant, « les images gravées dans [sa] mémoire sont encore très fortes ». Après une tentative d’évasion infructueuse au camp de transit de Compiègne, il doit lui aussi faire face à ce terrible voyage qui le mène jusqu’au camp de Dachau, « un lieu dont seulement quelques camarades connaissaient la signification ». « Moi, j’avais lu en 1936 un récit d’un prisonnier libéré du camp, que je pensais exagéré, mais si j’avais su… »

Enfin, Joëlle Delpech-Boursier a clôturé les interventions en nous lisant quelques extraits de son livre Avoir 20 ans à Dachau, dans lequel elle raconte la déportation de son père. Autre victime « heureuse » du Train de la Mort, dans la mesure où il survécut, le général André Delpech restera hanté par des images d’épouvante, comme celles qui vinrent une première fois le tourmenter lorsque, presque mourant au cours du voyage, il perdit connaissance pour finalement se réveiller au milieu de corps mous et sans vie.

Après quelques minutes de silence et de recueillement, au cours desquelles une gerbe de fleurs fut déposée, Jean-Michel Thomas a repris la parole, cette fois en sa qualité de président du Comité International de Dachau. L’évocation du général Delpech et la présence de Jean Samuel étaient en effet propices à une deuxième cérémonie : l’annonce de la remise du prix André Delpech à Jean Samuel, en reconnaissance du travail qu’il a effectué en tant que secrétaire du CID pendant de très longues années. Pour rappel, le prix André Delpech honore les mérites de ceux qui se sont particulièrement consacrés aux objectifs du CID, soit directement pour la mémoire de la déportation dans ce camp, soit plus largement en luttant contre le fascisme, le racisme et l’antisémitisme et contre toute autre discrimination pour des motifs politiques et religieux.

Notre rassemblement s’est donc clôturé ainsi, sur ces mots de Jean : « Vous venez de me remettre le prix André Delpech. Alors merci, un grand merci. André Delpech était le président du Comité International de Dachau, il était le président de l’Amicale de Dachau, et il était mon ami. Son poste important l’obligeait souvent à se déplacer et il avait besoin d’un secrétaire qui l’accompagnait. Je crois qu’il m’aimait bien, et nos voyages en Allemagne et en Europe ont été facilités par notre complicité. Son nom, son grade dans l’armée, son activité dans la Résistance resteront le symbole du Déporté Résistant. Ce prix, je le reçois avec beaucoup de plaisir et d’émotion. »

Alicia GENIN

Rencontre Interamicale (Union des Associations de mémoire des camps nazis)

Samedi 20 novembre 2021 à Paris

Association française Buchenwald, Dora et kommandos – Amicale du camp de concentration de Dachau – Amicale de Mauthausen, déportés, familles et amis – Amicale de Neuengamme et de ses kommandos – Amicale de Ravensbrück – Amicale d’Oranienburg-Sachsenhausen et ses kommandos.

09 h 00 : Rendez-vous au cimetière du Père-Lachaise, devant l’entrée rue des Rondeaux (métro Gambetta).

09 h 15 : Début de la cérémonie publique au Père-Lachaise. Depuis l’entrée du cimetière, nous nous dirigerons vers les différents monuments des camps afin de les fleurir et de nous y recueillir. À l’issue de notre parcours commémoratif, nous nous rendrons ensemble à la Mairie du 20e arrondissement.

10 h 15 : Cérémonie au Monument aux Morts de la Mairie du 20e arrondissement (6, avenue Gambetta).

10 h 30 : Début du colloque organisé par nos Amicales sur le thème : « L’avenir de nos associations ». Ce colloque aura lieu dans la salle des fêtes de la Mairie du 20e . La parole sera également laissée au public, afin que vous puissiez nous faire part de vos idées et questions sur l’avenir de nos Amicales.

12 h 30 : Fin du colloque et début de la pause déjeuner. Les mesures sanitaires en application au sein de la Mairie ne nous permettent pas d’y organiser un buffet comme de coutume. Le déjeuner sera donc libre. Les membres de l’Amicale de Dachau prévoient néanmoins de manger ensemble dans une brasserie ; merci donc de nous informer si vous souhaitez vous joindre à nous afin que nous puissions réserver en conséquence. Le repas sera à régler sur place.

14 h 30 : Réunions, conseils d’administration ou assemblées générales des différentes amicales. Pour sa part, l’Amicale de Dachau tiendra une simple réunion centrée sur ses activités et projets. Notre Assemblée Générale aura lieu la semaine suivante par visioconférence.

Règles sanitaires en vigueur pour cet événement : Seul le colloque donné à la Mairie est soumis au passe sanitaire ainsi qu’au port du masque.

24e Rendez-vous de l’Histoire de Blois

Projet commun à la Fondation de la Résistance et à l’Union des Associations de mémoire des camps nazis

Titre du débat (table ronde) :

Le « travail » dans les camps de concentration nazis (KL)Réalités et enjeux de terminologie

  • intervenant 1 : Johann CHAPOUTOT, professeur d’histoire contemporaine à l’Université Paris-Sorbonne
  • intervenant 2 : Laurent THIERY, docteur en histoire, directeur scientifique du programme de recherche sur les 9 000 déportés de France à Dora pour La Coupole, Le Livre des 9000 déportés de France à Mittelbau-Dora, le Cherche Midi, 2020
  • intervenant 3 : Adeline LEE, docteure en histoire, auteur de Les Français de Mauthausen, par-delà la foule de leur nom, Tallandier, avril 2021
  • intervenant 4 : Jens-Christian WAGNER, historien allemand, directeur de la Fondation des mémoriaux de Buchenwald et Dora
  • intervenant 5 : Christine GLAUNING, directrice du Centre de documentation pour le travail forcé (Berlin)
  • intervenant 6 : Hélène STEAS, enseignante détachée à la Fondation de la Résistance, auteur de notices pour le Livre des 9000 déportés de France à Mittelbau-Dora

Modérateurs :

Thomas FONTAINE, docteur en histoire, directeur du Musée de la Résistance nationale

Daniel SIMON, président de l’Amicale de Mauthausen

Résumé :

La fonction que le pouvoir nazi assigna au vocabulaire – « plus les mots que le discours », note V. Klemperer – requiert l’attention d’historiens-philologues. Du travail forcé à l’extermination par le travail, une large palette de pratiques hiérarchisées fut couverte et brouillée par les leurres du vocabulaire. À ce jeu pernicieux, l’identité évolutive des KL – euphémisme piégé lui aussi – est menacée de dilution. Camps-usines ou camps d’extermination par le travail, deux ouvrages récents, sur les KL de Mittelbau-Dora et de Mauthausen font avancer la réflexion sur ces questions.

Faire mémoire des déportés gersois et des hommes et femmes de leur famille pendant la guerre…

…Voilà ce qui m’anime depuis deux ans. Fille de Didier Boueilh, déporté à Dachau, je me suis engagée à diffuser l’exposition réalisée par l’Amicale du camp de concentration de Dachau. Ma première démarche s’est faite dans mon village gersois, où sont venus des amis, des membres de notre grande famille, mais aussi des passionnés d’histoire de guerre.

En 2020, pour la Journée de la Déportation, la ville d’Auch mettait à ma disposition un beau site pour proposer ce travail de mémoire aux citoyens et, la semaine suivante, j’avais des visites programmées avec des profs d’histoire pour les jeunes des collèges et lycées. Puis, au mois de mai, je devais exposer à la médiathèque de Riscle. Malheureusement, madame Covid est venue gripper ce programme, que j’ai dû annuler.

Frustrée et déçue de laisser mon matériel dans les placards, j’ai rebondi en installant l’expo dans notre chai, où vieillit l’armagnac et où se reposent les vins mis en fût. De ce lieu singulier pour évoquer le souvenir de mon père qui était vigneron, une visiteuse, petite fille de Juifs, a fait le commentaire suivant : « Incroyable rencontre entre l’eau de vie et la vie, les vies si difficiles, cruelles, et belles… merci pour le bâton de relais… aux jeunes la suite… »

J’ai donc accroché les 25 panneaux de l’expo, et un de plus sur mon père, détaillant son chemin de Saint-Mont à Dachau, puis son retour au pays. Un jour, ma mère, très humble, m’a interpellée sur la nécessité d’évoquer les autres déportés et prisonniers. J’ai donc fait une place aux différents membres de ma famille et de celle de mon mari. Un travail colossal s’est présenté devant moi. J’ai sollicité cousins, voisins, amis âgés, albums de famille, courriers anciens… pour tenter de conter le parcours de chacun, prisonniers, déportés, militaires, résistants, mais aussi Juifs recueillis par la famille de mon mari, sans oublier l’implication des femmes. J’ai ajouté ma documentation, des livres sur la déportation ; j’ai aussi fait un coin pour les jeunes, présentant des travaux du Concours national de la Résistance et de la Déportation… Un jeune visiteur est même venu me porter son devoir, tout fier d’abonder ce travail.

Sûrement un peu en décalage avec la vie dans le camp, j’ai fait une évocation de la vie pendant la guerre, avec photos des travaux sur la ferme, quelques objets du quotidien et toilettes de ce temps-là. Cela me paraissait opportun pour accrocher l’attention de ceux qui ne peuvent pas tout regarder des horreurs de la déportation, et ce lieu permet de faire remonter des souvenirs de famille, qui amènent à aller plus loin dans la prise de conscience de l’intérêt à connaître les histoires de nos aînés, dont nous sommes les passeurs.

Dany Périssé, Alain Bernado (fils de Georges Bernado) et Thérèse Boueilh

Au fur et à mesure des visites, j’ai reçu avec beaucoup d’émotion et de reconnaissance des récits de prisonniers, des carnets militaires, des courriers… et la veste et le calot de déporté de Georges Bernado, grand ami de papa, ainsi que des objets personnels. Ces deux mois furent très riches de rencontres certes chronophages, mais si remplies d’intérêt, d’humanité, de respect, de curiosité et, pour certains, occasion de récits familiaux. J’ai eu la joie d’accueillir des descendants de trois déportés qui n’avaient pas de lien avec la grande famille de l’Amicale. Avec le recul, je crois avoir touché le cœur de ces visiteurs, de mes amis, de ma famille, pour qu’ensemble nous portions cette transmission « laissée sous les fagots », en jargon paysan.

Face à la conjoncture sanitaire, je reconduis ce projet, que j’animerai dans notre domaine du 4 mai au 30 août 2021. Je vous invite donc à venir découvrir le Gers et faire une halte à Sarragachies.

Avec modestie, mais avec tout l’amour pour mon père et ses frères et sœurs de la guerre, je conclurai par ces mots de Thibaut, petit-fils d’une déportée : « Bravo pour ce travail de mémoire, ne jamais oublier ! Quand les hommes perdent leur humanité, d’autres se lèvent. Merci Dany pour ce travail remarquable. »

Dany PÉRISSÉ

L’expo DACHAU à Chevigny-Saint-Sauveur

Le 18 mai 2021 s’est tenue à Chevigny-Saint-Sauveur une exposition sur le camp de concentration de Dachau conjointement à une exposition dédiée à Anne Frank et commentée par madame Christine Loreau, correspondante en France et en Europe de la Maison Anne Frank, où nous avons été accueillis par le maire de Chevigny-Saint-Sauveur, monsieur Guillaume Ruet, et par madame Catherine Victor, instigatrice de cet événement.

L’exposition de l’Amicale a ainsi pu être visitée en présence de personnalités telles que le lieutenant-colonel Royal, délégué militaire départemental adjoint, monsieur Bruno Dupuis, directeur départemental de l’ONAC, le capitaine Payet, commandant la 8e compagnie de l’école de gendarmerie de Dijon, le docteur Cemachovic, président de l’Association Cultuelle Israélite, madame Loreau, monsieur Lombard, président de la Ligue de l’enseignement de la Côte-d’Or, madame Schmit, représentant la directrice académique des services de l’Éducation nationale, madame Elloy, secrétaire générale du Comité de parrainage du Concours national de la Résistance et de la Déportation, et madame Ginier, déléguée régionale Bourgogne-Franche-Comté de l’Amicale du camp de concentration de Dachau.

L’après-midi était consacré aux témoignages de trois déportés :

• Marcel Suillerot, rescapé de Sachsenhausen ;
• Henri Mosson, condamné à mort à 19 ans et rescapé du Struthof ;
• Pierre Jobard, d’abord rescapé d’Auschwitz, puis transféré à Buchenwald et enfin à Flossenbürg.

Le COVID ne nous a pas permis de recevoir plus de 30 personnes dans la salle, mais de nombreuses questions ont été posées aux déportés.

La visite s’est donc achevée vers 16 h 30.

Françoise GINIER

Commémorations du 76e anniversaire de la libération au Mémorial de Dachau

Cette année encore, en raison de la pandémie de Covid-19, les commémorations de la libération n’ont pu se tenir en présentiel au camp de Dachau. Pour l’occasion, le Mémorial du camp de Dachau, la Fondation des Mémoriaux bavarois et le Comité International de Dachau nous avaient néanmoins concocté un remarquable programme en ligne, comme ils l’avaient déjà fait l’année précédente pour le 75e anniversaire de la libération du camp. Différents « événements numériques » ont ainsi eu lieu du 29 avril au 2 mai 2021. Leur contenu reste d’ailleurs disponible à cette adresse : https://www.kz-gedenkstaette-dachau.de/liberation.

Les commémorations ont débuté le 29 avril par un moment de recueillement sur place, avec dépôt de gerbes au pied du Monument international de Dachau. Bien que cette cérémonie se soit faite en petit comité et sans public, les Amicales des différents pays étaient représentées.

Gerbe bleu-blanc-rouge de l’Amicale française de Dachau

Dans l’après-midi de cette même journée débutait le « programme numérique » proprement dit. Pendant trois jours se sont succédé de très nombreuses vidéos, retraçant d’une part l’événement historique de la libération, et abordant d’autre part la délicate question de l’avenir du travail de mémoire. Au fil des heures, nous avons ainsi découvert différents documentaires, portraits de déportés et messages et récits personnels de survivants et libérateurs. La parole a aussi été laissée aux directeurs de mémoriaux, à des collégiens, jeunes adultes et descendants de déportés.

La journée du samedi 1er mai a été l’occasion pour le CID de remettre le prix d’études Stanislav-Zámečník – cette année attribué à Johannes Meerwald pour son mémoire de Master « Les déportés espagnols dans le système concentrationnaire de Dachau (1940-1945). Déportation, emprisonnement en camp de concentration, conséquences » – ainsi que le prix général André Delpech – quant à lui décerné à Dee Eberhart, vétéran de la 42e division d’infanterie « Rainbow » de l’armée américaine, et libérateur du camp de Dachau.

Enfin, le dimanche 2 mai n’a pas dérogé à la tradition : ce jour-là affichait au programme les retransmissions des offices religieux, suivis un peu plus tard dans la matinée de la cérémonie principale, rendant hommage aux victimes du camp de Dachau et commémorant le 76e anniversaire de la libération au travers des discours de Gabriele Hammermann (directrice du Mémorial de Dachau), Monika Grütters (ministre d’État auprès de la Chancelière et déléguée du gouvernement fédéral à la culture et aux médias), Michael Piazolo (ministre bavarois de l’éducation et de la culture), Jean-Michel Thomas (président du Comité International de Dachau), Karl Freller (directeur de la Fondation des Mémoriaux bavarois et 1er vice-président du parlement bavarois), Hilbert Margol (libérateur), Elly Gotz (déporté), Abba Naor (déporté) et Leslie Rosenthal (déporté). La journée s’est terminée en début d’après-midi par une cérémonie à l’ancien champ de tir SS d’Hebertshausen, où furent assassinés plus de 4 000 prisonniers de guerre soviétiques.

À défaut de pouvoir vous retranscrire l’intégralité des vidéos mises en ligne, le programme étant très riche, nous vous présentons ci-après quelques morceaux choisis. Dans notre bulletin n°751 paru en 2020, nous vous proposions les textes de Guy-Pierre Gautier et Pierre Rolinet, tous deux survivants de Dachau. Cette année, nous rendons hommage à un troisième déporté français, Yves Meyer, en publiant ici son message. Par ailleurs, nous avons souhaité illustrer le point de vue des libérateurs et avons sélectionné l’intervention de Dee Eberhart, qui était à l’honneur cette année. Comme le veut la tradition, vous pourrez aussi lire ci-après l’allocution prononcée lors de la cérémonie principale par Jean-Michel Thomas, Président du Comité International de Dachau, membre de notre Amicale et enfant de déporté. Enfin, vous trouverez dans la rubrique « Histoire » de notre bulletin n°755 un aperçu du documentaire « L’heure H de la libération », diffusé le 29 avril sur le site Web du Mémorial de Dachau.

Alicia GENIN

Message d’Yves Meyer, survivant de Dachau

Bonjour à tous, je m’appelle Yves Meyer. Je communique mes souvenirs depuis mon appartement, dont la vue sur le Mont-Valérien me rappelle chaque jour les 1000 fusillés de la Résistance française. Matricule 76569 à Dachau, arrêté par la Gestapo en Normandie trois jours avant le débarquement allié à la suite de l’infiltration d’un agent double d’une autre organisation, j’étais le responsable des maquis de la Région A pour les MUR (Mouvements unis de la Résistance).

Du 2 au 5 juillet 1944, j’étais dans le « Train de la Mort » qui partait de Compiègne-Royallieu pour une destination inconnue. 77 ans après ce voyage éprouvant – faut-il dire « déjà » ou « il y a si longtemps » ? –, les images gravées dans ma mémoire sont encore très fortes. Notre projet d’évasion, organisé par Claude Lamirault pendant notre internement au camp de transit de Compiègne, a malheureusement échoué. La bousculade à l’embarquement pour que le groupe d’évasion se retrouve dans le même wagon nous a laissé quelques souvenirs. Tout comme la tension nerveuse extrême dans ce lieu étouffant, par une journée de forte canicule, et l’impossibilité de s’asseoir à 100 par wagon. Finalement, la discipline a joué – 50 assis, 50 debout – mais le manque d’air et d’eau était cruel. À la gare de Révigny, découverte stupéfiante de tous ces cadavres. Seuls quelques wagons seront épargnés. Dans l’un des wagons, un seul survivant sur les 100.

Le passage par Ulm en Allemagne et la vue des dégâts provoqués par les bombardements alliés, sans que cela n’ait paralysé aucunement le trafic ferroviaire allemand. Ensuite l’arrivée en gare de Dachau, lieu dont seulement quelques camarades connaissaient la signification. Moi, j’avais lu en 1936 un récit d’un prisonnier libéré du camp, que je pensais exagéré, mais si j’avais su… La marche de la gare au camp de Dachau avec les jeunes Allemands qui nous insultaient et nous lançaient des pierres, les chiens des gardiens qui nous mordaient…

Ensuite l’entrée dans ce camp et la vision dramatique de ces enfants de dix à quatorze ans, en costume de bagnard, le crâne rasé, au garde-à-vous, le berret abaissé sur la couture du pantalon, saluant les SS. De quoi pouvaient-ils être coupables ? Sur la place d’Appel, appel de tous les noms du convoi, dont les 900 morts, qui évidemment ne pouvaient répondre et qui ne furent pas immatriculés. Ensuite le déshabillage, toujours sur la place, l’entrée aux douches, l’ablation du système pileux, la visite médicale tout nu, au pas de course, les mains tendues devant un attroupement de médecins SS. Cette odeur de chair brûlée des crématoires qui ne nous a pas quittés pendant des jours. La quarantaine à la baraque 21 et le nivellement par le bas de toutes les classes sociales : curés, préfets, résistants, otages. Notre grande naïveté, voulant protester auprès du commandant du camp parce qu’un officier français avait été giflé par un kapo. Et ensuite la grande joie provoquée par l’attentat contre Hitler le 20 juillet 1944, et notre espoir de retour dans les jours qui suivaient.

Départ ensuite le 27 juillet pour les camps du Neckar, où nous connûmes l’horreur.

Sur la grande place de Dachau figure actuellement en toutes langues le slogan : « Plus jamais ça ». Nous y avons cru un long moment. Mais comme nos pères qui eux croyaient à « La Der des Ders », nous sommes aujourd’hui très inquiets. Nous voyons le monde devenir fou. Heureusement, notre optimisme naturel reprend le dessus.

Pour conclure : lisez des journaux de tendances différentes pour vous faire votre propre opinion, communiquez entre vous, discutez des problèmes qui peuvent séparer. Il y a toujours un compromis possible. Les rencontres internationales sont très importantes et permettent la confrontation et l’acceptation des cultures différentes.

Bonsoir à tous.

Message de Dee Eberhart, libérateur de Dachau

Bonjour, Dr Hammermann. Merci de m’avoir invité à participer aux célébrations virtuelles du 76e anniversaire de la libération du camp de concentration de Dachau. Vous avez suggéré que je me remémore les jours de la libération. Cela devra se faire de mémoire, car je n’ai pas de notes, pas de journal intime ou quoi que ce soit de la sorte.

Si je me souviens bien, car cela remonte à très longtemps, voilà ce qu’il s’est passé entre le 29 avril et le 2 mai 1945. Le matin du 29 avril, mon peloton (3e peloton de la Compagnie I, 242e régiment d’infanterie, 42e division « Rainbow ») se trouvait quelque part près d’Augsbourg, à côté ou près de l’autoroute. Notre régiment était l’un des deux régiments d’attaque ce jour-là. Les 222e et 242e régiments avaient été motorisés par le commandant de division. Nous – c’est-à-dire mon peloton et moi-même – étions prêts à monter à bord d’un de ces gros camions de l’armée. Mais il n’y en avait plus, plus aucun de notre régiment n’était disponible. Nous avons alors reçu des ordres verbaux de l’un de nos sergents de peloton, qui nous a annoncé qu’à partir de ce matin du 29 avril, nous serions désormais rattachés au 1er bataillon du 222e régiment d’infanterie (l’autre régiment d’assaut ce jour-là).

Nous avons roulé sur l’autoroute, avec pas mal d’embouteillages dans un sens, car des camions et des chars de la 7e armée se dirigeaient vers Munich. À un moment donné, nous avons été détournés de l’autoroute vers des routes secondaires. Et j’ai découvert plus tard que notre destination n’était plus Munich, mais le camp de concentration, qui avait probablement été signalé par l’agence de renseignement. Je ne sais plus qui l’a signalé. Nous nous sommes donc dirigés vers le camp de concentration. À un moment où nous nous approchions, j’ai clairement pu voir la cheminée et j’ai pensé que c’était une ville industrielle. Nous sommes descendus du camion et avons formé une longue, très longue ligne de bataille qui a commencé à se diriger vers la zone de détention du camp de concentration de Dachau.

Nous nous sommes approchés suffisamment des fils barbelés pour que je puisse voir ce qui me semblait être un chaos total à l’intérieur de la clôture. J’ai découvert plus tard que les victimes des atrocités nazies étaient en train de battre et de tuer les kapos qui étaient là, car (c’est ce que les anciens détenus m’ont dit des années plus tard) les kapos étaient encore plus sadiques que les SS. Après cette introduction à la tourmente de la journée, nous avons été témoins des effets de la malnutrition, du typhus endémique, de la famine et de la maltraitance générale des prisonniers par les SS et les kapos.

Au passage, je dois mentionner qu’un certain nombre de victimes se trouvaient à l’extérieur de la clôture. Je ne sais pas pourquoi, ils étaient peut-être dans des détachements de travail. Et certains d’entre eux se sont précipités vers nous, nous ont étreints, et nous avons dû les rassurer, leur confirmer qu’ils avaient bien été libérés. Et nous étions très heureux de leur communiquer cette nouvelle.

Cette nuit-là, certaines maisons de la ville de Dachau ont été réquisitionnées, probablement par notre bataillon, le 1er bataillon du 222e régiment, et mises à notre disposition. Les civils des maisons ont nié toute connaissance, toute conscience des atrocités que les SS du camp ou les responsables avaient commises sur les victimes, et ce jusqu’à récemment, jusqu’à ce jour, le 29.

Le lendemain matin, notre peloton a rejoint la Compagnie I ; nous n’étions plus rattachés au 1er bataillon du 222e régiment. Notre attaque s’est ensuite poursuivie contre Munich, où nous avons libéré des maisons et des bâtiments. Et mon coéquipier et moi-même avons affirmé que nous avions libéré les jardins botaniques à la périphérie de Munich. Lorsque j’ai demandé au gardien s’il y avait des soldats allemands aux étages supérieurs des bâtiments, il a nié. Mais peu de temps après avoir quitté l’entrée principale, Willy (mon coéquipier) et moi sommes partis, je me suis retourné et il y avait, je pense, des dizaines de soldats allemands agitant des drapeaux blancs. Et il me semble qu’il y avait également un officier général.

Nous avons continué l’attaque de Munich. Parfois je marchais, parfois je me déplaçais en camion, et parfois je me retrouvais sur le toit des chars. J’ai été témoin d’un meurtre par vengeance, commis par un ancien prisonnier en uniforme bleu et gris (les prisonniers portaient des uniformes à rayures longitudinales) … Il a couru vers un soldat allemand – de la Wehrmacht ou de la SS, je ne me souviens plus –, l’a mis à terre et l’a tué… Il l’a tué à coups de pied avant que le char sur lequel je me trouvais n’arrive, mais personne n’a fait le moindre geste pour intervenir. En fin d’après-midi, le temps était très couvert et il a commencé à neiger pendant la nuit. Le lendemain matin, une importante couche de neige recouvrait le sol. Nous avons trouvé un logement quelque part dans la banlieue de Munich. Un de mes copains a ramassé un appareil photo qu’il avait vu traîner là. Il y avait un film dedans et il a pris des photos de plusieurs d’entre nous, probablement de cinq ou six d’entre nous (les membres du 3e peloton), et il l’a fait développer plus tard.

Dee Eberhart, 1er mai 1945

Cela concerne les 29 et 30 avril jusqu’au 1er mai, autant que je m’en souvienne. Nous nous dirigions vers l’est, depuis la limite orientale de Munich, en direction de la traversée de l’Inn. Un des officiers s’est approché de l’endroit où je me tenais et s’est adressé aux membres de notre 3e peloton. Il a dit : « Nous avons besoin de militaires, de soldats, qui retournent pour pouvoir témoigner des atrocités perpétrées sur les victimes des nazis. » Si ma mémoire est bonne, aucun membre du 3e peloton ne s’est porté volontaire étant donné que nous nous y trouvions la veille. Voilà qui termine à peu près la période du 29 avril au 1er mai ; nous avons poursuivi notre voyage et traversé l’Inn plus tard ce jour-là.

Merci encore pour l’invitation. Je suis très déçu que cela n’ait pas pu se faire en personne et que je n’aie pas pu vous revoir, mes chers amis de la région de Munich et de Dachau. Alors merci encore, Dr. Hammermann, et nous espérons tous que votre rencontre virtuelle à l’occasion du 76e anniversaire de la libération sera un succès.

Allocution du Président du Comité International de Dachau – 2 mai 2021

Cette année encore, nous avons accompagné à distance les autorités qui, pour le 76e anniversaire de la libération du camp de concentration de Dachau, se sont inclinées avec ces nombreuses gerbes à la mémoire de toutes les victimes.

Notre monument invoque l’exemple de ceux qui furent exterminés dans la lutte contre le nazisme et appelle à l’union des survivants pour la défense de la paix, de la liberté et du respect de la personne humaine. Se recueillir en pensant aux objectifs ambitieux de cette exhortation est un exercice utile.

En premier lieu pour saluer les progrès accomplis depuis 1945, sous l’égide de l’Organisation des Nations Unies. À Dachau, la maison-mère du système concentrationnaire, les détenus n’étaient pas reconnus comme des personnes humaines, ce n’étaient que des Stücks. La reconnaissance de la dignité de la personne a progressé dans le monde. Il reste pourtant encore de graves inégalités dans les droits des personnes, notamment entre l’homme et la femme.

Nous devons aussi rester en éveil face aux nouvelles menaces.

Et d’abord devant le virus du nazisme qui, comme celui de la COVID, n’a pas disparu et tue toujours. Les fantasmes de forums extrémistes voient dans cette pandémie le miroir d’un monde occidental et libéral sur les décombres duquel doit s’ériger un nouvel ordre « sain » et « racialement » purifié. Certains comptent sur l’effondrement des états démocratiques en Europe, et envisagent de l’accélérer par des attentats ciblés. C’est également le but de l’islamisme radical.

À côté de la résurgence de l’antisémitisme que nous déplorons depuis longtemps, le discours de la race n’a pas disparu non plus. Il réapparaît aujourd’hui avec la « racialisation », dans l’étude des rapports sociaux de domination, avec ce qu’ils comporteraient comme caractère raciste. La « race » devient alors une construction sociale. Des ateliers de réflexion non mixtes sont ainsi organisés. Cette légitimation des catégories, c’est-à-dire des races, est un phénomène nouveau et choquant. Le danger de dérive, alimentant le racisme, est toujours présent.

Enfin, un autre phénomène venu d’outre-Atlantique se répand dans les universités du monde entier : celui du woke et de la cancel culture.

Le but est louable, les intentions sont bonnes : il faut débusquer les injustices sociales. Mais les idées sont mauvaises quand elles conduisent à une dérive idéologique dangereuse. Il convient donc de dénoncer cet ostracisme qui, au nom du bien, mène à la désintégration sociale. Cette doctrine interdit en effet la tolérance des désaccords et refuse l’idée fondamentale du libéralisme, à savoir l’autorisation de cohabitation de deux valeurs opposées.

Cette culture de la contestation sectaire a déjà des conséquences dramatiques au pays de la libre parole. Avec les réseaux sociaux, elle a quitté le champ strictement universitaire avec un risque de restriction de la liberté d’expression devant ce qui devient une dictature de l’opinion.

Trois menaces, trois alertes.

En union avec les survivants du camp de Dachau qui nous accompagnent ainsi qu’avec les libérateurs américains, dont Dee Eberhart que nous avons honoré hier, restons vigilants.

Ravivage de la Flamme sous l’Arc de Triomphe – 76e anniversaire de la libération de Dachau

30 avril 2021

L’année dernière, au plus fort de l’épidémie du COVID, nous étions contraints de renoncer à l’une de nos traditions annuelles les plus solidement ancrées : la cérémonie du Ravivage de la Flamme sous l’Arc de Triomphe le 29 avril, célébrant l’anniversaire de la libération du camp de concentration de Dachau. Cette année, alors que la vie commençait tout doucement à reprendre son cours, le Comité de la Flamme nous autorisait à nous rassembler… moyennant certaines contraintes. Le nombre de personnes étant rigoureusement limité pour chacune des associations membres du Comité, était uniquement présent un petit groupe de l’Amicale composé de Pierre Schillio (notre Secrétaire Général) et de son fils Pascal, de Joëlle Delpech-Boursier (notre Secrétaire Générale adjointe), de Marie-Clarté Cart (qui s’occupe de la constitution de notre fonds d’archives depuis des années) et de Jacqueline Boueilh (sœur du Président de notre Amicale). Autre fait notable, également dû à la régulation de la foule sous l’Arc de Triomphe : notre participation est intervenue exceptionnellement le 30 avril, et non le 29 comme de coutume.